8 janvier
Avant tout que jamais
n’apparaisse
le vice du murmure,
pour quelque raison
que ce soit,
ni en paroles, ni en
un signe quelconque.
(Règle de Saint
Benoît 34,6)
La Règle de Saint Benoît...
RB 1,1-5 (Les catégories de moines)
¹Il est manifeste qu'il y a quatre catégories de moines. ²La première
est celle des cénobites, c'est-à-dire de ceux qui vivent en commun, dans un
monastère, et combattent sous une règle et un abbé. ³La deuxième catégorie est
celle des anachorètes ou ermites. Ceux-ci n'en sont plus à la simple ferveur du
début dans la vie religieuse. Formés par une longue épreuve dans le monastère, ⁴ils ont appris, grâce au soutien de nombreux frères, à lutter contre le
démon. ⁵Bien exercés, ils passent de cette armée fraternelle au combat
solitaire du désert; et, sûrs désormais d'eux-mêmes, sans le secours d'autrui,
ils peuvent soutenir, Dieu aidant, avec leur seul main et leur seul bras, la
guerre contre les vices de la chair et des pensées.
❈❈❈
... pour chaque jour
La nuit d’hiver est froide et
claire. Je finis de chanter Complies avec ma communauté monastique et sors dans
le jardin où, loin des lumières de la ville, je lève les yeux vers le ciel et
vois les millions d’étoiles. Des versets de psaumes m’habitent encore :
« Celui qui établit sa demeure à l’ombre du Très-Haut… » (Ps
91) ; « … Le Seigneur qui a créé le ciel et la terre » (Ps
134) ; « Je reposerai en paix… » (Ps 4). Se déplaçant rapidement
parmi les étoiles je vois un avion à réaction et pense avec affection à ses
passagers. Grâce à mon expérience de voyageur, je sais combien ce même moment
est différent pour eux et pour moi qui suis dans ce jardin paisible. Ils
foncent à toute vitesse quelque part, certainement un peu serrés et mal à
l’aise ; et pourtant ce qu’ils vivent est étonnant. Ils voyagent à grande
vitesse vers une destination lointaine qu’ils désirent atteindre. Étant donné
les circonstances, ils ont un confort relatif. Ils sont protégés du froid
terrible comme de la nuit. Ils peuvent écouter de la musique, regarder un film,
boire des vins importés d’un autre continent, effectuer des calculs étonnants
et d’autres tâches sur leur ordinateur.
Le moine bénédictin que je suis
vit une tradition vieille de mille cinq cents ans, pourtant je ne vis pas à une
époque différente de la mienne. Ce siècle est aussi le mien. Je voyage en
avion, vois des films, utilise un ordinateur. Cela me fait réfléchir à la façon
dont je réfléchis précisément. L’environnement monastique, en fait, propose des
avantages uniques pour un type particulier de réflexion. Cet environnement et
ses avantages sont certainement liés à une tradition, de fait à une tradition
très ancienne. Et pourtant, en même temps, le sujet pensant – moi-même en
l’occurrence – est aussi un produit de son époque et un acteur de sa propre
époque. C’est-à-dire qu’il est impliqué dans cet aspect du monde dont un voyage
en avion peut servir de symbole. C’est
pourquoi comme n’importe lequel d’entre nous vivant à notre époque, le moine
est un partenaire et un acteur potentiel du dialogue culturel. Il n’est pas disqualifié
par son adhésion aux anciennes traditions. Dans le domaine de la tradition en
particulier, la vie monastique offre une démonstration limpide de la manière
dont fonctionne n’importe quelle tradition. L’on ne maintient pas les
traditions pour le plaisir. On leur attache de l’importance et on les vit
lorsqu’on pense qu’elles proposent une sagesse encore utile au présent et à
l’avenir. Je suis désireux de vivre selon la règle de saint Benoît vieille de
mille cinq cents ans parce que je suis convaincu qu’elle propose une sagesse
non seulement utile pour moi mais pour mes compagnons, la race d’hommes avec
lesquels je vis le temps présent de notre histoire humaine.
(Jeremy Driscoll osb, L’Alphabet du Moine – Moments de silence
dans un monde qui change, Éd. Salvator, Paris, 2008, p.34-35)
* Initiale - Ms Abbaye de Maredret
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