1 juin

On donnera des aides à ceux qui sont faibles,
afin qu’ils s’acquittent de leur tâche sans tristesse.
(Règle de Saint Benoît 35,3)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,34 (L'humilité)

³⁴Tel est le troisième degré d'humilité: se soumettre au supérieur en toute obéissance, pour l'amour de Dieu, à l'imitation du Seigneur, dont l'apôtre dit :  « Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort. »


✥ ✥ ✥

… pour chaque jour

Il s’agit de toute espèce d’obéissance, pour n’importe qui, n’importe où et n’importe comment ! L’obéissance est une valeur qui nous concerne tous, à tout moment. Pas de demi-mesure à son sujet. On n’adhère pas au Christ un peu, jusqu’à un certain point ou à certains moments, mais tout-à-fait : « jusqu’à la mort ». Le quatrième degré d’humilité dira ce que cela peut représenter concrètement. Mais avant d’envisager les cas extrêmes, il faut énoncer le principe général. C’est par l’obéissance qu’on suit le Christ jusqu’au bout. Il n’y a pas d’autre chemin. 

(Extrait de : Sœur LOYSE MORARD osb,  « DE LA CRAINTE À L’AMOUR, ‘L’échelle de l’humilité’ », Regard sur la Règle de saint Benoît n° 5, Saint-Léger éditions, 2017, p. 43.)










 31 mai

Les frères se serviront mutuellement.
Personne ne sera dispensé du service de la cuisine,
sinon pour cause de maladie
ou pour quelque occupation de grande utilité.
(Règle de Saint Benoît 35,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,31-33 (L'humilité)

³¹Voici le deuxième degré d'humilité: ne pas aimer sa volonté propre, ni se complaire dans l'accomplissement de ses désirs, ³²mais bien plutôt imiter dans sa conduite cette parole du Seigneur: « Je ne suis pas venu faire ma volonté mais celle de celui qui m'a envoyé. » ³³L'Écriture dit encore: « Le plaisir encourt la peine, l'effort procure la couronne. »



… pour chaque jour

Le deuxième degré d’humilité l’exprime précisément : il faut vouloir sortir de soi, le désirer, avec le Christ et comme lui. Il importe d’abord de rejoindre, purifier et aviver notre propre désir profond d’aimer jusqu’au bout. Pour obéir en vérité, il faut commencer par avoir envie de suivre le Christ. 

(Extrait de : Sœur LOYSE MORARD osb, « DE LA CRAINTE À L’AMOUR, ‘L’échelle de l’humilité’ », Regard sur la Règle de saint Benoît n° 5, Saint-Léger éditions, 2017, p. 38.)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 30 mai

Avant tout que jamais n’apparaisse le vice du murmure,
pour quelque raison que ce soit,
ni en paroles, ni en un signe quelconque.
(Règle de Saint Benoît 34,6)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,24-30 (L'humilité)

²⁴Il faut par conséquent se garder du désir mauvais, parce que la mort est placée à l'entrée même du plaisir. ²⁵C'est pourquoi l'Écriture nous donne ce commandement: « Tu ne suivras pas tes convoitises. » ²⁶Si, donc, « les yeux du Seigneur considèrent les bons et les méchants, » ²⁷si, du haut du ciel, le Seigneur regarde continuellement les enfants des hommes, pour voir « s'il en est un qui ait l'intelligence et qui cherche Dieu » ; ²⁸si, enfin, les anges, commis à notre garde, lui rapportent quotidiennement, jour et nuit, nos actions, concluons, mes frères, qu'à toute heure nous devons être vigilants. ²⁹Craignons, en effet, que, selon la parole du Psalmiste, Dieu ne nous surprenne à quelque moment « dévoyés dans le péché et devenus mauvais. » ³⁰S'il use d'indulgence en ce temps-ci, parce qu'il est bon et attend que nous nous corrigions, redoutons qu'il ne nous dise un jour: « Tu as fait cela et je me suis tu. »



… pour chaque jour

En tout lieu, les yeux du Seigneur : ils observent les méchants et les bons.
La langue qui réconforte est un arbre de vie ; perfide, elle vous coupe le souffle.
Un sot se moque des leçons de son père ; bien avisé qui tient compte des avertissements !
La maison du juste regorge de richesse, les gains du méchant sont précaires !
Les lèvres des sages sèment le savoir ; pour le cœur des insensés, il n’en va pas ainsi !
Le sacrifice des méchants, le Seigneur l’a en horreur, mais il accueille la prière des honnêtes gens.
Le chemin du méchant fait horreur au Seigneur ; il aime celui qui recherche la justice.
Rude leçon pour qui s’écarte du sentier : refuser l’avertissement, c’est la mort !
Le séjour des morts et l’abîme sont devant le Seigneur : à plus forte raison le cœur des hommes !
Un insolent n’aime pas qu’on le reprenne ; aussi ne va-t-il guère avec les sages.
À cœur joyeux, visage épanoui ; à cœur chagrin, soupirs désolés.
Un cœur intelligent recherche le savoir, la bouche des insensés se repaît de sottises.
Pour le malheureux, tous les jours sont mauvais ; pour le cœur content, c’est un perpétuel festin.
Mieux vaut peu, avec la crainte du Seigneur, qu’un grand trésor et ses embarras.

(Proverbes 15,3-16 – La Bible – AELF)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret










 29 mai

Celui qui a besoin de moins,
rendra grâces à Dieu et ne s’attristera point ;
celui à qui il faut davantage,
s’humiliera et ne s’élèvera point
à cause de la miséricorde qu’on lui fait.
Ainsi tous les membres seront en paix.
(Règle de Saint Benoît 34,3-5)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,19-23 (L'humilité)

¹⁹Quant à notre volonté propre, il nous est défendu de la faire par ces termes de l'Ecriture: « Renonce à tes volontés », ²⁰et, de plus, nous demandons à Dieu dans l'oraison dominicale que sa volonté se fasse en nous. ²¹C'est donc avec raison qu'on nous enseigne de ne pas faire notre volonté. Par là, nous prenons garde à ce que dit l'Ecriture: « Il y a des voies qui semblent droites aux hommes et dont le terme aboutit au fond de l'enfer »; ²²par là encore nous nous préservons de ce qui est dit des négligents: « Ils se sont corrompus et se sont rendus abominables par leurs passions. » ²³Quant aux désirs de la chair, croyons aussi fermement que Dieu nous est toujours présent, suivant la parole du Prophète au Seigneur: « Tous mes désirs sont devant toi. »



… pour chaque jour

Fais confiance au Seigneur, agis bien,
habite la terre et reste fidèle ;
mets ta joie dans le Seigneur :
il comblera les désirs de ton cœur.
 
Dirige ton chemin vers le Seigneur,
fais-lui confiance, et lui, il agira.
Il fera lever comme le jour ta justice,
et ton droit comme le plein midi.
 
Repose-toi sur le Seigneur
et compte sur lui.
Ne t'indigne pas devant celui qui réussit,
devant l'homme qui use d'intrigues.
 
Laisse ta colère, calme ta fièvre,
ne t'indigne pas : il n'en viendrait que du mal ;
les méchants seront déracinés,
mais qui espère le Seigneur possédera la terre. 

(Psaume 36,3-9 – La Bible – AELF)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 28 mai

Que tout soit commun à tous…
(Règle de Saint Benoît 33,6)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,10-18 (L'humilité)

¹⁰Voici donc le premier degré d'humilité: se remettant toujours devant les yeux la crainte de Dieu, il consiste à fuir toute négligence et à se rappeler sans cesse tout ce que Dieu a commandé. ¹¹On repassera constamment dans son esprit, d'une part, comment la géhenne brûle, pour leurs péchés, ceux qui méprisent Dieu, et comment, d'autre part, la vie éternelle récompense ceux qui le craignent. ¹²Se gardant, à toute heure, des péchés et des vices des pensées, de la langue, des mains et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair, ¹³l'homme estimera que Dieu, du haut du ciel, le regarde à tout moment, qu'en tout lieu le regard de la divinité voit ses actes et que les anges les lui rapportent à tout moment. ¹⁴Le Prophète nous le révèle, lorsqu’il affirme que Dieu est toujours présent à nos pensées: « Dieu scrute les cœurs et les reins »; ¹⁵et de même: « Le Seigneur connaît les pensées des hommes », ¹⁶et encore: « Tu as compris de loin mes pensées », ¹⁷et: « La pensée de l'homme te sera découverte. » ¹⁸Aussi, pour être vigilant sur ses pensées perverses, le vrai moine répètera toujours dans son cœur: « Je serai sans tache devant lui, si je me tiens en garde contre mon iniquité. »



… pour chaque jour

Prenez garde, mes bien-aimés, que les nombreux bienfaits du Seigneur ne tournent à notre condamnation, si nous ne menons pas une vie digne de lui, en pratiquant dans la concorde ce qui est bien et agréable à ses yeux. Il dit en effet quelque part : L'Esprit du Seigneur est une lampe qui pénètre au fond des entrailles.
 
Considérons combien il est proche, et que rien ne lui échappe de nos pensées ni de nos calculs. Il est donc juste que nous ne désertions pas sa volonté. Il vaut mieux nous heurter à des hommes déraisonnables, insensés, pleins d'orgueil et d'arrogance, plutôt qu'à Dieu. Révérons le Seigneur Jésus Christ, dont le sang a été donné pour nous ; respectons nos chefs ; honorons les anciens ; instruisons les jeunes gens en leur enseignant la crainte de Dieu ; dirigeons nos femmes vers le bien. Que l'on reconnaisse en elles le charme de la chasteté ; qu'elles se montrent sincèrement décidées à la douceur ; qu'elles manifestent leur silence, la modération de leur langue ; qu'elles exercent la charité non pas selon leur attrait mais de façon sainte et impartiale envers tous ceux qui craignent Dieu.
 
Que vos enfants bénéficient de l'éducation dans le Christ ; qu'ils apprennent quelle est auprès de Dieu la puissance de l'humilité, quel est auprès de lui le pouvoir d'un amour chaste, combien la crainte de Dieu est belle et grande, capable de sauver ceux qui la pratiquent saintement avec un cœur pur. Car il pénètre nos pensées et nos désirs, son souffle est en nous et il le reprendra quand il voudra.
 
Tout cela est garanti par la foi dans le Christ. C'est lui en effet qui nous invite ainsi par la voix du Saint-Esprit : Venez, mes enfants, écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Quel est l'homme qui désire la vie, qui désire voir des jours de bonheur ? Garde ta langue du mal, et tes lèvres de la parole trompeuse. Détourne-toi du mal et fais le bien. Recherche la paix et poursuis-la.
 
Le Père, compatissant en tout et prodigue de bienfaits, est miséricordieux envers ceux qui le craignent. Avec douceur et bonté, il répand ses grâces sur ceux qui s'approchent de lui avec un cœur simple. Aussi, n'ayons pas une âme double, et ne tirons pas avantage de ses dons magnifiques et glorieux. 

(CLÉMENT de ROME, Lettre aux Corinthiens)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 27 mai

Une bonne parole vaut mieux qu’un don excellent.
(Règle de Saint Benoît 31,14)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,5-9 (L'humilité)

⁵Si donc, mes frères, nous voulons atteindre au sommet de l'humilité parfaite, et parvenir rapidement à cette hauteur céleste, à laquelle on monte par l'humilité dans la vie présente, ⁶il nous faut monter et dresser par nos actions cette échelle qui apparut en songe à Jacob. Il y voyait des anges descendre et monter. ⁷Cette descente et cette montée assurément ne signifient pas autre chose pour nous sinon que l'on descend par l'élèvement et que l'on monte par l'humilité. ⁸L'échelle en question, c'est notre vie en ce monde, que le Seigneur dresse vers le Ciel, si notre cœur s'humilie. ⁹Les côtés de cette échelle figurent notre corps et notre âme; sur ces côtés, l'appel divin a disposé divers degrés d'humilité et de perfection à gravir.



… pour chaque jour

Je comparerais volontiers l’exercice de la piété à une échelle, à cette échelle que vit autrefois le bienheureux Jacob, dont une extrémité touchait la terre où elle était fixée et l’autre atteignait le ciel (cf. Gn 28,12). Ainsi, il faut que les débutants dans la pratique de la vertu mettent pied sur les premiers échelons et puis montent toujours aux échelons suivants jusqu’à parvenir, par une lente progression, au sommet maximum pour la nature humaine. De même donc que le premier échelon de l’échelle est l’éloignement de la terre, de même pour la vie en Dieu le commencement du progrès est l’aversion du mal. Mais toute inaction est absolument plus facile que n’importe quelle action, par exemple : « Tu ne tueras pas, tu ne forniqueras pas, tu ne voleras pas » (Ex 20,13-15). Il faut pour chacune de ces choses l’absence d’action et de mouvement. Au contraire, « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 19,19), et « vends tes biens et donne-les aux pauvres » (Mt 19,21), et « si on te réclame pour un mille, fais-en deux » (Mt 5,41), ces œuvres conviennent aux athlètes et il faut pour cela une âme déjà vigoureuse pour les mener à bien. Admire donc la sagesse de celui qui nous conduit à la perfection par les voies les plus faciles et les plus aisées.

(SAINT BASILE le GRAND, Homélie sur le Psaume 1 [PG 29, 209-228. Traduit en latin par Rufin, PG 31, 1723-1733, souvent attribué à saint Augustin, PL 36, 63-66], dans : Les Psaumes commentés par les Pères, Textes traduits, notes et tables par Sœur Baptista Landry osb, Introduction, choix et conseils de travail par A.-G. Hamman, Collection « Les Pères dans la foi », DDB, 1983, p. 32)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 26 mai

Chacun doit être traité
selon son âge et son degré d’intelligence.
(Règle de Saint Benoît 30,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 7,1-4 (L'humilité)

¹La divine Écriture, mes frères, nous crie: « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. » ²En parlant ainsi, elle nous montre que tout élèvement est une espèce d'orgueil; ³et c'est ce dont le Prophète déclare se garder, lorsqu'il dit: « Seigneur, mon cœur ne s'est point élevé et mes yeux ne se sont point levés: je n'ai point marché dans les grandeurs ni dans des merveilles au-dessus de moi. » ⁴Mais que m'arriverait-il « si je n'avais pas eu d'humbles sentiments, si j'avais élevé mon âme? Tu me traiterais comme l'enfant qu'on enlève du sein de sa mère. »



… pour chaque jour

Reprenons les paroles du psaume en termes simple de manière à être compris. Je n’ai pas cédé à l’orgueil, je n’ai pas cherché à en imposer aux hommes, par des actions d’éclat, je n’ai pas cherché à faire des choses qui dépassaient mes forces, dont j’aurais pu me vanter auprès des simples.

Non, dit le psalmiste, je n’ai point recherché ce qui dépassait mes forces, je n’ai point tendu mon effort de ce côté-là, pour m’en glorifier. Qu’elle est redoutable l’élévation où porte la surabondance des grâces reçues, à cause de l’orgueil qu’elle pourrait vous inspirer, au lieu de l’humilité que conseille l’Écriture : « Humilie-toi d’autant plus que tu es plus grand, et tu trouveras grâces devant Dieu » (Si 3,20).

L’Apôtre qui avait reçu une abondance de grâces et de révélations, vient à dire : « De crainte que l’excellence même de ces révélations ne m’enorgueillisse, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan, chargé de me souffleter » (2 Co 12,7). Eh quoi, mes frères ? Pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, comme un homme accompli, il est souffleté comme un enfant.

Paul ajoute : « Trois fois j’ai prié Dieu de l’écarter de moi », autrement dit : j’ai supplié le médecin de me débarrasser de ce cataplasme gênant. Écoutez la réponse du médecin : « Ma grâce te suffit, car ma puissance triomphe dans ta faiblesse » (2 Co 12,7). Je connais, moi, l’efficacité du remède, je connais le mal, je connais le remède.

L’orgueil éloigne Dieu, un cœur humble le rapproche de nous. Humilie-toi profondément, et il descendra jusqu’à toi. 

(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE, PSAUME 130 – « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier » [Ps. 130, 5, 7. Ps 93, 16], dans : SAINT AUGUSTIN PRIE LES PSAUMES, Textes choisis et traduits par A.-G. Hamman, p. 216)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 25 mai

Qu’il imite plutôt l’exemple de tendresse du bon Pasteur…
(Règle de Saint Benoît 27,8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 6,1-8 (La retenue dans le langage)

¹Faisons ce que dit le prophète: « J'ai résolu de surveiller toutes mes voies, pour ne pas pécher par ma langue; j'ai placé une garde à ma bouche, je me suis tu et humilié, et je me suis abstenu même de parler de choses bonnes. » ²Le prophète nous montre par là que, si l'on doit quelquefois s'interdire de bons discours par amour du silence, à plus forte raison faut-il retrancher les paroles mauvaises pour éviter la peine due au péché. ³C'est pourquoi, étant donnée l'importance du silence, on n'accordera que rarement aux disciples, fussent-ils parfaits, la permission de parler même de choses bonnes, saintes et édifiantes. ⁴Il est écrit, en effet: « Tu n'éviteras pas le péché en parlant beaucoup » ; ⁵et ailleurs: « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue. » ⁶De fait, s'il appartient au maître de parler et d'enseigner, il convient au disciple de se taire et d'écouter. ⁷En conséquence, s'il faut demander quelque chose au supérieur, on le fera en toute humilité, soumission et respect. ⁸Quant aux bouffonneries, aux paroles oiseuses et qui portent à rire, nous les bannissons pour jamais et en tout lieu, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.



… pour chaque jour

C'est peu dire que le langage est malmené dans notre société. Les multiples moyens de communication qui sont désormais à notre portée font que nous parlons beaucoup, que nous parlons tout le temps, mais paradoxalement, cet incessant bavardage pollue les relations plus qu’il ne les sert. Nous communiquons pour nous vendre ou pour acheter l’autre, très peu pour le rencontrer.
 
« Voici que les hommes s'échangent maintenant les mots comme des idoles invisibles, ne s’en forgeant plus qu’une monnaie: nous finirons un jour muets à force de communiquer… » (Valère Novarina, Devant la parole, P.O.L., 2010, p. 13)
 
Si nous ne voulons pas finir muets, il nous faut entrer en insurrection contre cette instrumentalisation du langage porté par le système marchand de notre société. Nous pouvons réapprendre à nous taire et à écouter. Nous pouvons cultiver le silence, c'est même un incontournable, si nous ne voulons pas perdre pied et sens.

« C'est dans le silence que la question du sens se pose; 
c'est dans le même silence, qu’elle se résout. » 
(François Cassingena-Trévedy, Étincelles II, 2007, p.285.)
 
Il y a bientôt septante ans, Marcel Duchamp tenait à Denis de Rougemont le propos suivant: 
« Tout l'effort de l’avenir sera d’inventer, 
par réaction à ce qui se passe maintenant, 
le silence, la lenteur et la solitude. »
 
Force est de constater que nous balbutions toujours dans cet effort! Et pourtant, le silence est précieux, car il est la métaphore de l'intériorité chère à toute notre tradition philosophique et théologique occidentale telle qu'elle remonte à saint Augustin :
« Ne t’en va pas au-dehors, 
retourne en toi-même, 
la Vérité habite en l'être intérieur. » 
(De vera religione, 39,72)
 
Seuls les mots qui s'articulent sur une réserve de silence sont capables de faire de la lumière. Le silence permet de retrouver le chemin d'une parole qui soigne et qui console, d'une parole qui sauve le mystère et la dignité des êtres, d'une parole qui s'insurge contre de multiples manières d’étiqueter l'humain ou de l'enfermer dans un diagnostic médico-social. 
En matière de spiritualité et dans les églises, le silence devrait s'imposer en face de la langue de bois qui dissuade souvent d'écouter vraiment. Le philosophe Jean-Luc Marion rappelle avec humour que « Le silence sur Dieu est une forme de politesse ! » 
Faire silence permet de retrouver la fraîcheur de ce qui parle dans les textes, il nous fait rencontrer des « mots qui ne font pas leur âge » (Gilles Baudry, cité par Ringlet, Effacement de Dieu, p.112.)
 
Les poètes sont peut-être ceux qui nous parlent le mieux de Dieu, parce qu’ils savent se taire et écouter la vibration du mystère au fond des choses, sans la nommer "trop haut". Je pense ici au beau titre d’un petit livre de Jean Grosjean intitulé "Si peu". Il y parle de ce Dieu à la fois si peu là et si intime: 
« Ce que je reconnais de lui quand il parle, c'est son silence. Un silence pareil à celui des  textes: il me prend par l'épaule pour me faire remarquer qu'il s'en va, comme un texte à mesure qu'on lit, comme la vie à mesure qu'on vit. » (Si peu, Bayard, 2001, p.15-16.) 

(FRANCINE CARRILLO, Pour une spiritualité de l´insurrection, Coédition Ouverture-Olivétan-Opec, Son mot à dire…, 2014, p. 38-40.)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret











 24 mai

La prière doit être brève et pure,
à moins que peut-être la grâce de l’inspiration divine
ne nous incline à la prolonger.
(Règle de Saint Benoît 20,4)



La Règle de Saint Benoît…

RB 5,14-19 (L'obéissance)

¹⁴Mais cette obéissance ne sera bien reçue de Dieu et agréable aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans trouble, sans retard, sans tiédeur, sans murmure, sans parole de résistance. ¹⁵Car l'obéissance rendue au supérieur, c'est à Dieu qu'on la rend, puisqu'il a dit: « Qui vous écoute, m'écoute. » ¹⁶Et c'est de bon cœur que les disciples doivent obéir parce que « Dieu aime celui qui donne joyeusement. » ¹⁷Si, au contraire, le disciple obéit, mais s'il le fait de mauvais gré, s'il murmure non seulement de bouche mais encore dans son cœurs, ¹⁸même s'il exécute l'ordre reçu, cet acte ne sera pas agréé de Dieu, qui voit le murmure dans sa conscience. ¹⁹Bien loin d'en être récompensé, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige et ne fait satisfaction.



… pour chaque jour

(…) si l’homme cesse de prier, il perd son attachement et sa soumission à la volonté divine et cesse de discerner le but du combat et de la vie spirituelle, qui n’est autre que son propre salut. Il prend alors le parti de sa volonté  propre, de son « moi », et commence à murmurer contre les épreuves que Dieu lui envoie pour son salut. Il refuse les contrariétés et les outrages que Dieu, en sa sagesse suprême et sa providence, dispose pour lui, en vue de le libérer de la vaine gloire. Il y trouve le comble de l’amertume, au point de souhaiter plutôt mourir que de se voir ainsi outragé devant les hommes et le monde, car son « moi » prend plus d’envergure à ses yeux que Dieu Lui-même, le maître de la vie ! 

(MATTA el MASKINE, Conseils pour la prière, Monastère de Saint-Macaire au désert de Scete, Wadi el Natroun, p. 28 [La traduction française a été publiée dans la revue Irénikon, 1986, p.451-481].)

* Enluminure - Ms Abbaye de Maredret