30 avril

… L’abbé se conduira avec discernement et modération.
(Règle de Saint Benoît 64,17)



La Règle de Saint Benoît…

RB 72,1-12 (Le bon zèle que doivent avoir les moines)

¹Il est un mauvais zèle, un zèle amer, qui sépare de Dieu et mène à l'enfer. ²De même, il est un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. ³C'est ce zèle que les moines pratiqueront avec un très ardent amour : ils s'honoreront mutuellement avec prévenance; ils supporteront avec une très grande patience les infirmités d'autrui, tant physiques que morales ; ils s'obéiront à l'envi ; nul ne recherchera ce qu'il juge utile pour soi, mais bien plutôt ce qui l'est pour autrui ; ils s'accorderont une chaste charité fraternelle ; ils craindront Dieu avec amour ; ¹⁰ils aimeront leur abbé avec une charité sincère et humble ; ¹¹ils ne préfèreront absolument rien au Christ ; ¹²qu'Il nous amène tous ensemble à la vie éternelle !

… pour chaque jour

« Supportez-vous les uns les autres dans l’amour, faisant tout ce qui est en votre pouvoir pour garder l’unité de l’esprit dans le lien de la paix » (Ep 4,2). Il n’est pas possible de maintenir l’unité ni la paix si les frères ne s’encouragent pas les uns les autres par le soutien mutuel, en gardant le lien de la bonne entente grâce à la patience. (…)
Pardonner à ton frère qui commet des fautes à ton égard non seulement soixante-dix fois sept fois, mais absolument toutes ses fautes, aimer tes ennemis, prier pour tes adversaires et tes persécuteurs (Mt 5,39.44 ; 18,22) – comment y arriver si l’on n’est pas ferme dans la patience et la bienveillance ? C’est ce que nous voyons chez Étienne (…) : loin de demander la vengeance, il a demandé le pardon pour ses bourreaux en disant : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 7,60). Voilà ce qu’a fait le premier martyr du Christ (…), qui s’est fait non seulement prédicateur de la Passion du Seigneur mais imitateur de sa très patiente douceur.
Que dire de la colère, de la discorde, de la rivalité ? Elles n’ont pas de place chez un chrétien. La patience doit habiter son cœur ; on n’y trouvera alors aucun de ces maux. (…) L’apôtre Paul nous en avertit : « Ne contristez pas le Saint-Esprit de Dieu (…) : faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes » (Ep 4,30-31). Si le chrétien s’échappe aux égarements et aux assauts de notre nature déchue, comme à une mer en furie, s’il s’établit dans le port du Christ, dans la paix et le calme, il ne doit admettre en son cœur ni colère ni discorde. Il ne lui est pas permis de rendre le mal pour le mal (Rm 12,17), ni de concevoir de la haine. 

(SAINT CYPRIEN DE CARTHAGE [°v.200 – 〸258], Les Bienfaits de la patience, 15-16, SC 291, À Donat et La Vertu de patience, trad. J. Molager, Éd. du Cerf, 1982, p. 221)









 29 avril

S’efforcer plus à se faire aimer qu’à se faire craindre.
(Règle de Saint Benoît 64,15)



La Règle de Saint Benoît…

RB 71,1-9 (Que les frères s'obéissent mutuellement)

¹Ce n'est pas seulement à l'abbé que tous les frères doivent rendre le bien de l'obéissance; il faut encore qu'ils s'obéissent les uns aux autres. ²Ils sauront que c'est par cette voie de l'obéissance qu'ils iront à Dieu. ³Plaçant avant tout les ordres de l'abbé et ceux des responsables qu'il a établis -ordres auxquels nous ne permettons pas de préférer les directives d'origine privée - tous les jeunes obéiront pour le reste à leurs anciens, en toute charité et empressement. S'il se rencontre quelqu'un qui ait l'esprit de contestation, il sera châtié. Lorsqu'un frère est repris par l'abbé ou par un supérieur quelconque en n'importe quelle manière, et pour une cause même de peu d'importance, s'il s'aperçoit alors tant soit peu que l'esprit de ce supérieur est irrité ou ému contre lui, fût-ce légèrement, il se prosternera aussitôt sans tarder par terre, à ses pieds, pour faire satisfaction jusqu'à ce que la bénédiction qu'on lui donnera ait fait connaître que l'émotion est calmée. Si quelqu'un dédaigne d'en agir ainsi, il sera soumis à un châtiment corporel, et, s'il demeure opiniâtre, il sera expulsé du monastère.

… pour chaque jour

Que les frères s’obéissent mutuellement. Vie commune : obéissance et charité ; chemin du retour à Dieu, que saint Benoît nous définit aujourd’hui comme étant essentiellement une question d’amour. Ce qui importe, ce n’est pas le fait d’exécuter le commandement, mais l’amour qu’on y met. C’est pourquoi le moine doit avoir soif d’obéir à tous ; non par une démission de sa personnalité, mais pour être davantage dans la dépendance de Dieu, par amour. Dans l’obéissance, le moine cherche ce qui libère et conduit à l’intimité profonde avec Dieu. « Il faut qu’il croisse et que je diminue ». C’est le programme de la vie commune. Les moines du Moyen Âge aimaient à souligner le rapport entre humilité, patience, obéissance et les trois vertus théologales : la foi (humilité), l’espérance (patience), la charité (obéissance). Toutes les fois qu’on obéit vraiment, on développe et fortifie la charité. Devenir l’ami de Dieu par la voie de l’obéissance par amour.

Écoute, 1963

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 662)












 28 avril

Que l’abbé haïsse les vices, mais qu’il aime les frères.
(Règle de Saint Benoît 64,11)



La Règle de Saint Benoît…

RB 70,1-7 (Que nul ne se permette de frapper à tout propos)

¹Il faut éviter dans le monastère toute occasion de présomption ; ²aussi ordonnons-nous qu'il ne sera permis à personne d'excommunier ou de frapper l'un de ses frères, à moins qu'il n'en ait reçu pouvoir de l'abbé. ³Ceux qui commettront des fautes seront repris devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. Les enfants, jusqu'à l'âge de quinze ans, seront sous la garde et la surveillance de tous les frères ; mais cette vigilance s'exercera avec mesure et intelligence. Quant à celui qui se permettrait, sans l'ordre de l'abbé, de réprimander de façon quelconque des frères plus âgés, ou qui s'emporterait contre des enfants sans discrétion, il serait soumis à la discipline régulière, car il est écrit: « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. »

… pour chaque jour

Que nul ne se permette de corriger à tout propos. Ne nous disons pas : ce n’est pas là ma tendance. Car nous avons tous plus ou moins ce travers qui consiste à juger les autres à notre propre gabarit. Nous pensons que ce serait quand même mieux si les autres pensaient, en agissaient comme nous, du moins en beaucoup de cas. Nous avons là une mise en garde. Pourquoi vouloir niveler tout le monde ? Chacun a son visage particulier ; et chacun est l’ami de Jésus ; et chacun est travaillé par Jésus d’une façon très personnelle. L’âme d’un frère est un mystère. Nous sommes ensemble, réunis spécialement, tels et tels, parce que c’est avec ces frères – et pas d’autres frères imaginaires – que nous avons à faire notre salut, et que nous pouvons parvenir à la perfection de la charité. Sachons nous réjouir de tout le bien que nous constatons, et nous réjouir aussi lorsqu’il nous faut en telle ou telle circonstance pratiquer la patience. Ce n’est jamais bien grave ; mais ce peut être occasion de beaucoup de charité. À défaut de grandes épreuves, entraînons-nous avec ces petits riens.

Écoute, 1962

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 659)









 27 avril

L’abbé, une fois établi,
pensera sans cesse à la nature du fardeau qu’il a reçu,
et à Celui à qui il devra rendre compte de son administration. 
Qu’il sache qu’il lui faut aider bien plus que régir.
(Règle de Saint Benoît 64,7-8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 69,1-4 (Que nul dans le monastère ne se permette d'en défendre un autre)

¹Il faut veiller à ce que personne, en aucune circonstance, dans le monastère, ne se permette de défendre un autre moine, ou de lui servir comme de protecteur, ²et cela, quel que soit le degré de parenté qui les unisse. ³Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car il peut en résulter de très graves occasions de conflits. Si quelqu'un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.


… pour chaque jour

Tout au long de sa Règle Benoît montre que la communauté doit se construire sur des liens de communion, de charité et d’affection entre les frères et entre ceux-ci et l’abbé. Mais il prévoit aussi le cas où quelqu’un pourrait manquer de fidélité aux engagements qu’il a librement assumés et ainsi nuire à la qualité de la vie communautaire. Il prévoit aussi que, lorsque les exhortations ne suffisent pas, l’imposition de sanctions peut être nécessaire en de telles situations. C’est alors qu’il peut arriver qu’un frère, par affection mal éclairée envers la personne qui est objet de la sanction, entreprenne de le « défendre ». Le ton très ferme qu’utilise Benoît ici (Un moine ne se le permettra en aucune façon, car ce peut être une occasion de troubles graves) semble indiquer qu’il a eu à ce sujet des expériences douloureuses, et c’est pourquoi il rajoute ce petit chapitre à la fin de sa Règle.
Une amitié spirituelle liant plus profondément certaines personnes au sein d’une communauté où tous les frères sont liés par ailleurs par les mêmes liens de charité est possible et légitime. Or, si une amitié est mûre et adulte, chacune des personnes concernées demeure tout à fait autonome et sait regarder objectivement les situations où se trouve l’autre personne. Si mon ami a besoin d’une correction, je serai affligé de ce qu’il se trouve dans cette situation, mais je me réjouirai en même temps de ce que cette occasion de croissance humaine et spirituelle lui soit donnée. Et vice versa. C’est lorsqu’une amitié n’est pas vraiment adulte, qu’elle conduit à une sorte de fusion affective plutôt qu’à un lien entre deux personnes autonomes. Il n'y a plus alors de distance critique et tout ce qui arrive de pénible à l’ami est perçu comme une attaque personnelle. C’est alors qu’une personne, se sentant menacée par ce qui arrive à l’autre peut entreprendre de le « défendre » contre une intervention de la communauté ou de l’abbé ayant pour but son bien. Et si ces liens affectifs manquant de la maturité suffisante et à caractère fusionnel unissent entre eux un groupe de frères, des « cliques » ou des groupes de pression peuvent se former au sein d’une communauté, au détriment de la vie communautaire. Benoît semble avoir connu de telles situations et il met en garde contre cette déviation de l’amitié dans ce chapitre 69. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 14 avril 2013)









 26 avril

Se prévenir d’honneur les uns les autres.
(Règle de Saint Benoît 63,17)



La Règle de Saint Benoît…

RB 68,1-5 (Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles)

¹Si l'on enjoint à un frère des choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance le commandement qui lui est fait. ²Cependant, s'il estime que le poids du fardeau dépasse entièrement la mesure de ses forces, il représentera au supérieur les raisons de son impuissance, avec patience et à propos, ³sans témoigner ni orgueil, ni résistance, ni contradiction. Que si après cette représentation le supérieur maintenait son ordre, l'inférieur se persuadera que la chose lui est avantageuse, et il obéira par amour, en mettant sa confiance dans l'aide de Dieu.

… pour chaque jour

UNE CHOSE IMPOSSIBLE ? 

La chose est impossible. Mais qui oserait décréter l'impossibilité ? Il ne ferait que dire ce qui lui est impossible - à lui ! Et c'est un peu ce que saint Benoît laisse entendre. C'est le moine qui trouve que la chose lui est impossible. Cependant, il est invité à faire connaître au supérieur les raisons de sa propre impuissance. Des raisons que le moine connaît le mieux, que peut-être il pense être le seul à connaître. Et ce caractère personnel autorise saint Benoît à conseiller la patience, l'à propos, l'absence de récrimination. On se trompe si vite sur soi-même.
Il se peut, en effet, que le champ de vision du moine sur lui-même soit comme rétréci. Il se peut que l'endroit d'où il parle (lui-même) l'empêche d'aller au-delà de ce qu'il voit, de ce qu'il entend, de ce qu'il ressent. Il y faut le regard de quelqu'un d'autre, qui peut-être verra autrement, entendra autrement, jugera autrement.
Qu'il obéisse par amour, demande saint Benoît. Seul l'amour peut ainsi intégrer le regard qu'un autre porte sur moi-même. Seul l'amour peut me faire sortir de ce lieu où je décrète l'impossible. Seul l'amour peut dilater mon cœur et me faire courir sur les chemins de l’impossible ne portant plus son nom. Seul l’amour peut sortir vainqueur de ce combat. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 〸2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 25 avril

(Règle de Saint Benoît 61,14)



La Règle de Saint Benoît…

RB 67,1-7 (Des frères que l'on envoie en voyage)

¹Les frères qui doivent aller en voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l'abbé. ²Après la dernière oraison de l'Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents. ³En rentrant de voyage, le jour même de leur retour, les frères se prosterneront à terre dans l'oratoire à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'Œuvre de Dieu. Ils demanderont les prières de tous, à cause des écarts qu'ils auraient pu commettre en voyage, par leurs regards, ou en écoutant de mauvaises choses ou de vains propos. Personne ne se permettra de rapporter sans discernement à autrui ce qu'il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela produit de très grands dégâts. Celui qui oserait le faire sera soumis à la correction régulière. De même celui qui se permettrait de sortir de l’enceinte du monastère, ou d'aller n'importe où, ou de faire quoi que ce soit, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

… pour chaque jour

Ce qu’il aurait vu ou entendu. Pourquoi cette sévérité de saint Benoît pour le silence à garder au retour de voyage ? Il est facile de comprendre qu’une chose en soi insignifiante à l’extérieur du monastère, devienne facilement pernicieuse à l’intérieur de la clôture ; et cela en raison même de ce qu’est notre vie : recherche exclusive de Dieu. Un rien suffit pour nous en distraire ; et d’autant plus que nous vivons dans le silence habituel, propice à l’écoute de la seule parole de Dieu. N’y a-t-il que la parole de Dieu au monastère ? Oui, il n’est parole humaine qui, par le contact de la parole de Dieu, ne doive à son tour devenir parole de Dieu et instrument de salut. Nous comprenons pourquoi saint Benoît tient tant au silence. Ce silence n’est pas un retranchement, un appauvrissement, mais un enrichissement : c’est afin que tout devienne parole.

Écoute, 1963

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 646-647)









 24 avril

En tout lieu, c’est un seul Seigneur que l’on sert…
(Règle de Saint Benoît 61,10)



La Règle de Saint Benoît…

RB 66,1-8 (Les portiers du monastère)

¹À la porte du monastère on placera un sage vieillard, qui sache recevoir et rendre un message, et dont la maturité le préserve de toute oisiveté. ²Le portier devra avoir sa cellule près de la porte, afin que ceux qui viennent trouvent toujours à qui parler. ³Et aussitôt qu'on aura frappé ou qu'un pauvre aura appelé, il répondra Deo gratias ou Benedic. Puis, avec toute la mansuétude que donne la crainte de Dieu, il s'empressera de donner réponse avec une charité fervente. Si le portier a besoin d'aide, on lui donnera un frère plus jeune. Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire: de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes. Et nous voulons que cette Règle soit lue souvent en communauté afin qu'aucun frère ne s'excuse sous prétexte d'ignorance.

… pour chaque jour

ÊTRE ACCUEILLI DÈS LE SEUIL 

Comme toute porte d’entrée, tout lieu d’accueil, la porterie du monastère est le sas qui permet de quitter le monde d’où je viens et de pénétrer dans le monde vers lequel je me dirige. On perd les repères du premier, on espère acquérir les repères du second. Il est donc important d’être accueilli, pour conjurer l’éventuelle angoisse devant le vide et l’inconnu.
S’entendre dire Deo gratias (équivalent de Dieu soit loué) ou Benedic (souhait de bénédiction), c’est entendre une invitation à se laisser mettre dans le contexte. L’arrivant, tout inconnu qu’il soit, est un signe de la présence de Dieu. Il est accueilli comme tel. On rend grâces parce qu’il est là, on bénit la source de bénédiction qui se présente sous la forme de l’arrivant.
Lu ici le premier jour de l’an, ce chapitre a de quoi éclairer et nourrir les innombrables souhaits qui s’échangent à cette époque. Nous quittons une année pour entrer dans une autre, un monde encore inconnu. Il faudra y reconnaître le signe de la présence de Dieu. Se mettre dès le début dans le climat d’action de grâces et de bénédiction, c’est accueillir celui qui vient, si inconnu soit-il. C’est s’empresser de lui donner réponse avec une charité fervente.

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 〸2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 23 avril

On n’accordera pas facilement l’entrée du monastère
à celui qui vient s’y engager dans la vie religieuse…
(Règle de Saint Benoît 58,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 65,11-22 (Le prieur du monastère)

¹¹C'est pourquoi nous jugeons que, pour conserver la paix et la charité, il faut que le gouvernement de son monastère dépende entièrement de l'abbé. ¹²Si faire se peut, toute la marche du monastère sera assurée par des doyens, et cela selon les ordres de l'abbé, comme nous l'avons déjà dit. ¹³Les charges étant confiées à plusieurs, un seul n'aura pas l'occasion de s'enorgueillir. ¹⁴Si toutefois le lieu rend un prieur désirable, ou si la communauté le demande pour un juste motif, et avec humilité, si l'abbé enfin le juge à propos, ¹⁵c'est ce dernier qui établira lui-même pour prieur celui qu'il aura choisi avec le conseil des frères craignant Dieu. ¹⁶Le prieur exécutera avec respect tout ce que son abbé lui prescrira, sans jamais contrevenir à sa volonté et à ses ordres. ¹⁷Car, plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit observer consciencieusement les préceptes de la Règle. ¹⁸Si ce prieur tombait dans quelque dérèglement, s'enflait d'orgueil, ou était convaincu de mépris pour la sainte Règle, on l'en reprendrait jusqu'à quatre fois. ¹⁹S'il ne s'amendait pas, on lui ferait subir la correction de la discipline régulière. ²⁰Si par ces moyens il ne se corrigeait pas encore, on le déposerait de son rang de prieur, et on mettrait à sa place un autre qui en fût digne. ²¹Enfin, si après tout cela, il ne se montrait pas tranquille et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère. ²²Que l'abbé songe cependant qu'il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que le feu de l'envie ou de la jalousie ne vienne à brûler son âme.


… pour chaque jour

Le commencement de la Sagesse, c’est le désir vrai d’être instruit ; le souci de l’instruction, c’est l’amour ; l’amour, c’est de garder ses lois ; observer les lois, c’est l’assurance de l’incorruptibilité, et l’incorruptibilité rend proche de Dieu.
Ainsi le désir de la Sagesse élève à la royauté.
Si donc vous, souverains des peuples, vous prenez plaisir aux trônes et aux sceptres, rendez hommage à la Sagesse afin de régner pour toujours.
Mais qu’est-ce que la Sagesse et comment est-elle née ? Je vais l’exposer ; loin de vous en cacher les mystères, je suivrai ses traces depuis le principe de son origine et je mettrai en lumière ce que l’on connaît d’elle ; je n’écarterai pas mon chemin de la vérité, et ne marcherai jamais avec l’esprit de jalousie, car cela n’a rien de commun avec la sagesse. 

(Sagesse 6,17-23 – La Bible – AELF)





 





 22 avril

Qu’en tout Dieu soit glorifié.
(Règle de Saint Benoît 57,8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 65,1-10 (Le prieur du monastère)

¹Bien souvent il arrive que l'établissement du prieur fasse naître de graves conflits dans les monastères. ²Il s'en trouve, en effet, qui, enflés d'un méchant esprit d'orgueil, s'imaginent être de seconds abbés, et qui, s'attribuant une autorité sans contrôle, entretiennent des conflits et causent des dissensions dans la communauté. ³Cela se produit surtout en ces lieux où le prieur est établi par le même évêque ou par les mêmes abbés que l'abbé lui-même. On voit aisément combien cette manière de faire est absurde. C'est elle, qui, dès le début de son institution, donne au prieur matière à s'enorgueillir. Elle lui suggère qu'il est soustrait au pouvoir de son abbé, puisque: « Toi aussi, se dira-t-il, tu as été établi par ceux-là mêmes qui ont institué l'abbé. » De là surgissent des jalousies, des conflits, des détractions, des rivalités, des cabales, les pires désordres. Or, si l'abbé et le prieur sont opposés de sentiments, il est impossible que, dans une telle discorde, leurs âmes ne se trouvent pas en danger. Ceux également qui vivent sous leur conduite, prenant partie pour l'un ou pour l'autre, vont à leur perte. ¹⁰De ce péril sont responsables au premier chef ceux qui se sont faits les auteurs d'un pareil dérèglement.

… pour chaque jour

Dans ce chapitre, nous avons le rappel d’une chose très grave. Combien l’autorité est chose sérieuse : elle n’appartient qu’à Dieu. Un supérieur qui a vraiment compris que tout ce qu’il a est à Dieu ne trouve pas dans son pouvoir matière à s’imposer, à tyranniser. Au contraire, il redoute plutôt de devenir un obstacle, un écran entre Dieu et les âmes. Plus on souligne l’obéissance à un supérieur, plus on voit que ce n’est pas à lui qu’en définitive elle s’adresse, mais à Dieu. Il faudrait que le supérieur soit le plus humble de tous : humilité, source de force en même temps que de douceur. Un père abbé, un supérieur, reçoivent extérieurement des marques de révérence qui peuvent paraître déplacées, abusives. Il n’en est rien si on sait qu’elles s’adressent à Dieu. Le supérieur lui-même ne se trouve pas gêné : il sait bien que tout cela ne s’adresse pas à sa pauvre personne.

Écoute, 1970

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 634)









 21 avril

Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ…
(Règle de Saint Benoît 53,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 64,7-22 (L'institution de l'abbé)

L'abbé, une fois établi, pensera sans cesse à la nature du fardeau qu'il a reçu, et à Celui à qui il devra rendre compte de son administration. Qu'il sache qu'il lui faut aider bien plus que régir. Il doit donc être docte dans la loi divine, afin de savoir et d'avoir où puiser les leçons anciennes et nouvelles. Qu'il soit chaste, sobre, miséricordieux ; ¹⁰que toujours il préfère la miséricorde à la justice, afin d'obtenir pour lui-même un traitement semblable. ¹¹Qu'il haïsse les vices, mais qu'il aime les frères. ¹²Dans la correction même, il agira avec prudence et sans excès, de crainte qu'en voulant trop racler la rouille, il ne brise le vase. ¹³Il aura toujours devant les yeux sa propre faiblesse, et se souviendra qu'il ne faut pas broyer le roseau déjà éclaté. ¹⁴Et par là nous n'entendons pas qu'il puisse laisser les vices se fortifier, mais qu'il les détruise avec prudence et charité, en adaptant les moyens à chaque caractère, comme nous l'avons déjà expliqué. ¹⁵Il s'efforcera plus à se faire aimer qu'à se faire craindre. ¹⁶Qu'il ne soit ni turbulent, ni inquiet; qu'il ne soit ni excessif, ni opiniâtre; qu'il ne soit ni jaloux, ni trop soupçonneux; sinon, il n'aura jamais de repos. ¹⁷Dans ses commandements, il sera prévoyant et circonspect. Dans les tâches qu'il distribuera, soit qu'il s'agisse des choses de Dieu, soit de celles du monde, il se conduira avec discernement et modération, ¹⁸et se rappellera la discrétion du saint patriarche Jacob, qui disait: « Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils périront tous en un jour. »  ¹⁹Imitant donc cet exemple et d'autres semblables de la discrétion, cette mère des vertus, qu'il tempère tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage et que les faibles ne se dérobent pas. ²⁰Par-dessus tout, qu'il observe tous les points de la présente Règle, ²¹afin qu'après avoir bien servi, il s'entende adresser par le Seigneur cette parole au bon serviteur qui avait distribué le froment, en temps opportun, à ses compagnons : ²²« En vérité je vous le dis, le Maître l'établira sur tous ses biens. »

… pour chaque jour

Le premier verset du psaume 100 contient tout ce que nous devons chercher dans tous les autres : « Je veux chanter, Seigneur, ta miséricorde et ton jugement. » Que personne n’attende de la miséricorde l’impunité, il existe le jugement ; que le pécheur converti ne redoute pas le jugement, car il y a la miséricorde.
En Dieu, la tendresse de sa miséricorde n’oblitère pas la sévérité du jugement, et la sévérité de son jugement n’infirme pas la tendresse de sa miséricorde. Remarquons bien l’ordre des deux : miséricorde et jugement, il n’est pas fortuit ; nous lisons bien miséricorde et jugement et non jugement et miséricorde.
Si nous en distinguons les étapes, nous voyons qu’aujourd’hui nous sommes à la phase de la miséricorde, puis viendra le temps du jugement. Pourquoi la miséricorde vient-elle la première ? Considère d’abord en Dieu les dons que tu as reçus, de manière à imiter ton Père, « qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, les justes et les injustes » (Mt 5,48). Voilà la miséricorde.
Justes et injustes contemplent le même soleil, jouissent de la même lumière, boivent aux mêmes fontaines, profitent des mêmes pluies, récoltent les mêmes fruits de la terre, respirent le même air, se partagent les mêmes biens de la vie. Garde-toi d’accuser Dieu d’injustice, parce qu’il donne également ces biens aux justes et aux injustes. Nous sommes au temps de la miséricorde et non encore du jugement.
Si Dieu ne nous pardonnait au temps de la miséricorde, il ne trouverait plus personne à couronner, à l’heure du jugement. L’ère de la miséricorde est l’heure de la patience de Dieu, qui mène les pécheurs à la conversion. 

(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE [°354 – 〸430], PSAUME 100,1 – « Je veux chanter la miséricorde et le jugement », dans : Saint Augustin prie les psaumes – Textes choisis et traduits par A.-G. Hamman, p. 174)