27 avril

L’abbé, une fois établi,
pensera sans cesse à la nature du fardeau qu’il a reçu,
et à Celui à qui il devra rendre compte de son administration. 
Qu’il sache qu’il lui faut aider bien plus que régir.
(Règle de Saint Benoît 64,7-8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 69,1-4 (Que nul dans le monastère ne se permette d'en défendre un autre)

¹Il faut veiller à ce que personne, en aucune circonstance, dans le monastère, ne se permette de défendre un autre moine, ou de lui servir comme de protecteur, ²et cela, quel que soit le degré de parenté qui les unisse. ³Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car il peut en résulter de très graves occasions de conflits. Si quelqu'un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.


… pour chaque jour

Tout au long de sa Règle Benoît montre que la communauté doit se construire sur des liens de communion, de charité et d’affection entre les frères et entre ceux-ci et l’abbé. Mais il prévoit aussi le cas où quelqu’un pourrait manquer de fidélité aux engagements qu’il a librement assumés et ainsi nuire à la qualité de la vie communautaire. Il prévoit aussi que, lorsque les exhortations ne suffisent pas, l’imposition de sanctions peut être nécessaire en de telles situations. C’est alors qu’il peut arriver qu’un frère, par affection mal éclairée envers la personne qui est objet de la sanction, entreprenne de le « défendre ». Le ton très ferme qu’utilise Benoît ici (Un moine ne se le permettra en aucune façon, car ce peut être une occasion de troubles graves) semble indiquer qu’il a eu à ce sujet des expériences douloureuses, et c’est pourquoi il rajoute ce petit chapitre à la fin de sa Règle.
Une amitié spirituelle liant plus profondément certaines personnes au sein d’une communauté où tous les frères sont liés par ailleurs par les mêmes liens de charité est possible et légitime. Or, si une amitié est mûre et adulte, chacune des personnes concernées demeure tout à fait autonome et sait regarder objectivement les situations où se trouve l’autre personne. Si mon ami a besoin d’une correction, je serai affligé de ce qu’il se trouve dans cette situation, mais je me réjouirai en même temps de ce que cette occasion de croissance humaine et spirituelle lui soit donnée. Et vice versa. C’est lorsqu’une amitié n’est pas vraiment adulte, qu’elle conduit à une sorte de fusion affective plutôt qu’à un lien entre deux personnes autonomes. Il n'y a plus alors de distance critique et tout ce qui arrive de pénible à l’ami est perçu comme une attaque personnelle. C’est alors qu’une personne, se sentant menacée par ce qui arrive à l’autre peut entreprendre de le « défendre » contre une intervention de la communauté ou de l’abbé ayant pour but son bien. Et si ces liens affectifs manquant de la maturité suffisante et à caractère fusionnel unissent entre eux un groupe de frères, des « cliques » ou des groupes de pression peuvent se former au sein d’une communauté, au détriment de la vie communautaire. Benoît semble avoir connu de telles situations et il met en garde contre cette déviation de l’amitié dans ce chapitre 69. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 14 avril 2013)









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