1 janvier

Toutes les fois qu’il y aura dans le monastère
quelque affaire importante à décider,
l’abbé convoquera toute la communauté
et exposera lui-même ce dont il s’agit.
(Règle de Saint Benoît 3,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB Prologue 1-7

¹Écoute, mon fils, les préceptes du Maître et prête l'oreille de ton cœur. Reçois volontiers l'enseignement d'un si bon père et mets-le en pratique, ²afin de retourner par l'exercice de l'obéissance à celui dont t'avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. ³C'est à toi donc maintenant que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l'obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. Avant tout, demande-lui par une très instante prière qu'il mène à bonne fin tout bien que tu entreprennes; ainsi, après avoir daigné nous admettre au nombre de ses enfants, il n'aura pas sujet, un jour, de s'affliger de notre mauvaise conduite. Car, en tout temps, il faut avoir un tel soin d'employer à son service les biens qu'il a mis en nous, que non seulement il n'ait pas lieu, comme un père offensé, de priver ses fils de leur héritage, mais encore qu'il ne soit pas obligé, comme un maître redoutable et irrité de nos méfaits, de nous livrer à la punition éternelle, tels de très mauvais serviteurs qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.

… pour chaque jour

La prière est plus puissante que le péché. Le péché détruit les forces physiques et morales de l’homme, mais il ne peut détruire la puissance de la miséricorde et de l’amour de Dieu. « Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1,25). Dieu continue toujours à aimer l’homme, avant, pendant et après le péché.
La prière, en tant que relation entre l’homme et Dieu, nous met en relation avec sa miséricorde qui remet les fautes les plus graves. En soi, la prière est une manifestation de repentir et de retour à Dieu. Dieu est toujours disposé à accueillir ceux qui reviennent à Lui, car Il ne désire pas la mort du pécheur, mais Il désire qu’il se convertisse et qu’il vive (Ez 18,23).

(MATTA EL MASKINE [°1919 – 〸2006], Conseils pour la prière, Monastère de Saint-Macaire au désert de Scete,  Wadi el Natroun, [La traduction française a été publiée dans la revue Irénikon, 1986, p.451-481], p. 22)









 31 décembre

L’abbé témoignera à tous une égale charité…
(Règle de Saint Benoît 2,22)



La Règle de Saint Benoît…

RB 73,1-9 (Toute la pratique de la justice n'est pas contenue dans cette règle)

¹Cette Règle, que nous venons d'écrire, il suffira de l'observer dans les monastères pour faire preuve d'une certaine rectitude morale et d'un commencement de vie monastique. ²Quant à celui qui aspire à la vie parfaite, il a les enseignements des saints Pères, dont la pratique amène l'homme jusqu'aux sommets de la perfection. ³Est-il, en effet, une page, est-il une parole d'autorité divine, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une règle toute droite pour la conduite de notre vie ? Ou encore, quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? Et de même, les Conférences des Pères, leurs Institutions et leurs Vies ainsi que la Règle de notre Père saint Basile, sont-elles autre chose que des instruments de vertus pour moines vraiment bons et obéissants ? Il y a là pour nous, relâchés, inobservants et négligents, de quoi rougir de confusion. Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l'aide du Christ, cette toute petite Règle, écrite pour les débutants. Cela fait, tu parviendras avec la protection de Dieu, aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus, que nous venons de rappeler. Amen.

… pour chaque jour

Faites bien attention, frères très chers : les saintes Écritures nous ont été transmises pour ainsi dire comme des lettres venues de notre patrie. Notre patrie, en effet, c’est le paradis ; nos parents, ce sont les patriarches, les prophètes, les apôtres et les martyrs ; nos concitoyens, les anges ; notre roi, le Christ. Quand Adam a péché, nous avons été pour ainsi dire jetés dans l’exil de ce monde. Mais parce que notre roi est fidèle et miséricordieux plus qu’on ne peut le penser ou le dire, il a daigné nous envoyer, par l’intermédiaire des patriarches et des prophètes, les saintes Écritures, comme des lettres d’invitation par lesquelles il nous invitait dans notre éternelle et première patrie. (…)
Dans ces conditions, quelle idée se font d’eux-mêmes les serviteurs qui ne daignent pas lire les lettres qui nous invitent à la béatitude du Royaume ? (…) « Celui qui ignore sera ignoré » (1 Co 14,38). Certainement, celui qui néglige de chercher Dieu dans ce monde par la lecture des textes sacrés, Dieu à son tour refusera de l’admettre dans la béatitude éternelle. Il doit craindre qu’on ne lui ferme les portes, qu’on ne le laisse dehors avec les vierges folles (Mt 25,10) et qu’il ne mérite d’entendre : « Je ne sais pas qui vous êtes ; je ne vous connais pas ; écartez-vous de moi, vous tous qui faites le mal » (…) Celui qui veut être écouté favorablement de Dieu doit commencer par écouter Dieu. 

(SAINT CÉSAIRE D’ARLES [°v.470 – 〸542], Sermon 7, 2-3, CCL 103,37s, dans : Sermons au peuple, SC 175, trad. M.-J. Delage, Éd. du Cerf, 1971, p. 341, rev.) 









 30 décembre

Qu’il n’aime point l’un plus que l’autre,
si ce n’est celui qu’il trouvera plus avancé
dans les bonnes actions et l’obéissance.
(Règle de Saint Benoît 2,17)



La Règle de Saint Benoît…

RB 72,1-12 (Le bon zèle que doivent avoir les moines)

¹Il est un mauvais zèle, un zèle amer, qui sépare de Dieu et mène à l'enfer. ²De même, il est un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. ³C'est ce zèle que les moines pratiqueront avec un très ardent amour : ils s'honoreront mutuellement avec prévenance; ils supporteront avec une très grande patience les infirmités d'autrui, tant physiques que morales ; ils s'obéiront à l'envi ; nul ne recherchera ce qu'il juge utile pour soi, mais bien plutôt ce qui l'est pour autrui ; ils s'accorderont une chaste charité fraternelle ; ils craindront Dieu avec amour ; ¹⁰ils aimeront leur abbé avec une charité sincère et humble ; ¹¹ils ne préfèreront absolument rien au Christ ; ¹²qu'Il nous amène tous ensemble à la vie éternelle !

… pour chaque jour

Le Seigneur dit dans l'évangile de saint Jean : Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres. Et on lit dans la lettre de cet Apôtre : Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour.
Que les fidèles scrutent donc leur âme et discernent par un examen loyal les sentiments profonds de leur cœur. S'ils découvrent que leur conscience a en réserve des fruits de charité, ils peuvent être certains que Dieu est en eux ; et pour se rendre de plus en plus accueillants à un tel hôte, qu'ils se dilatent par les œuvres d’une miséricorde inlassable.
En effet, si Dieu est amour, la charité ne doit pas avoir de bornes, car la divinité ne peut s’enfermer dans aucune limite.
Toutes les époques conviennent, mes bien-aimés, pour pratiquer le bien de la charité ; cependant les jours présents nous y invitent plus spécialement. Ceux qui désirent recevoir la Pâque du Seigneur avec une âme et un corps sanctifiés doivent s'efforcer surtout d'acquérir cette perfection, qui renferme en elle toutes les vertus et qui couvre une multitude de péchés.
Et c'est pourquoi, sur le point de célébrer ce mystère qui dépasse tous les autres, par lequel le sang de Jésus Christ a effacé toutes nos iniquités, préparons en premier lieu des sacrifices de miséricorde. Ce que la bonté de Dieu nous a octroyé, donnons-le, nous aussi, à ceux qui ont péché contre nous.
Il faut aussi que notre libéralité se montre plus bienfaisante envers les pauvres et ceux qui sont accablés par toutes sortes de malheurs, afin que de nombreuses voix rendent grâce à Dieu, et que le réconfort donné aux indigents vienne recommander nos jeûnes. Aucune générosité de la part des fidèles ne réjouit Dieu davantage que celle qui se prodigue en faveur de ses pauvres; et là où il rencontre un souci de miséricorde, il reconnaît l’image de sa propre bonté.
Ne craignons pas d'épuiser nos ressources par de telles dépenses, car la bonté elle-même est une grande richesse, et les largesses ne peuvent manquer de fonds, là où c'est le Christ qui nourrit et qui est nourri. Dans toute cette activité intervient la main qui augmente le pain en le rompant, et le multiplie en le distribuant.
Celui qui donne, qu'il soit tranquille et joyeux, car il aura le plus grand bénéfice quand il aura gardé pour lui le minimum. Comme dit saint Paul : Celui qui fournit la semence au semeur et le pain pour la nourriture multipliera aussi vos semences et fera croître les fruits de votre justice dans le Christ Jésus notre Seigneur, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Amen. 

(SAINT LÉON LE GRAND [°v.398 – 〸461], Sermon)









 29 décembre

Que l’abbé ne fasse point
acception des personnes dans le monastère.
(Règle de Saint Benoît 2,16)



La Règle de Saint Benoît…

RB 71,1-9 (Que les frères s'obéissent mutuellement)

¹Ce n'est pas seulement à l'abbé que tous les frères doivent rendre le bien de l'obéissance; il faut encore qu'ils s'obéissent les uns aux autres. ²Ils sauront que c'est par cette voie de l'obéissance qu'ils iront à Dieu. ³Plaçant avant tout les ordres de l'abbé et ceux des responsables qu'il a établis -ordres auxquels nous ne permettons pas de préférer les directives d'origine privée - tous les jeunes obéiront pour le reste à leurs anciens, en toute charité et empressement. S'il se rencontre quelqu'un qui ait l'esprit de contestation, il sera châtié. Lorsqu'un frère est repris par l'abbé ou par un supérieur quelconque en n'importe quelle manière, et pour une cause même de peu d'importance, s'il s'aperçoit alors tant soit peu que l'esprit de ce supérieur est irrité ou ému contre lui, fût-ce légèrement, il se prosternera aussitôt sans tarder par terre, à ses pieds, pour faire satisfaction jusqu'à ce que la bénédiction qu'on lui donnera ait fait connaître que l'émotion est calmée. Si quelqu'un dédaigne d'en agir ainsi, il sera soumis à un châtiment corporel, et, s'il demeure opiniâtre, il sera expulsé du monastère.

… pour chaque jour

Cette obéissance ne consiste pas tellement à accomplir des ordres ou des commandements, mais avant tout en un profond respect de l’autre, et, plus spécifiquement dans une « écoute » de l’autre – ce que signifie le verbe latin oboedire. C’est pourquoi Benoît, toujours conséquent avec lui-même, dit que les plus jeunes obéiront à leurs plus anciens, étant bien entendu qu’il s’agit de l’ancienneté correspondant au rang d’entrée en communauté et non de celle correspondant à l’âge. Ainsi, tous, sauf le tout dernier entré en communauté, ont quelqu’un de plus jeune qu’eux et d’autres plus anciens qu’eux.
Cette écoute mutuelle est nécessaire dans tous les aspects de notre vie communautaire, mais tout spécialement durant l’Office Divin. Déjà d’un point de vue purement humain et technique une telle écoute est nécessaire. Aucune chorale ou aucun orchestre ne peut offrir une prestation respectable si tous les chantres et tous les musiciens ne sont pas totalement attentifs les uns aux autres. Évidemment, notre Office Divin n’est pas un concert ; nous ne sommes pas là pour donner un spectacle ; nous sommes là pour louer Dieu ensemble, en communauté. Raison de plus pour tout faire, encore plus qu’une simple chorale ordinaire, pour que notre célébration exprime un seul cœur (et non seulement un seul chœur), une seule voix, une seule âme. (…)
Ce texte est très beau. Si on le lit superficiellement et rapidement, on a l’impression qu’il s’agit simplement d’un exercice de pouvoir et d’autorité de la part de l’ancien et d’un geste d’humiliation de la part du plus jeune. En réalité il s’agit vraiment d’un rapport mutuel, et lorsque l’ancien est troublé (commotus), que ce soit par la colère, l’indignation ou la surprise, c’est aussi bien par l’attitude respectueuse du plus jeune que par sa propre prière de bénédiction qu’il est guéri.

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 5 mai 2013)









 28 décembre

Montrer tout ce qui est bon et saint
par des actes plus encore que par des paroles.
(Règle de Saint Benoît 2,12)



La Règle de Saint Benoît…

RB 70,1-7 (Que nul ne se permette de frapper à tout propos)

¹Il faut éviter dans le monastère toute occasion de présomption ; ²aussi ordonnons-nous qu'il ne sera permis à personne d'excommunier ou de frapper l'un de ses frères, à moins qu'il n'en ait reçu pouvoir de l'abbé. ³Ceux qui commettront des fautes seront repris devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. Les enfants, jusqu'à l'âge de quinze ans, seront sous la garde et la surveillance de tous les frères ; mais cette vigilance s'exercera avec mesure et intelligence. Quant à celui qui se permettrait, sans l'ordre de l'abbé, de réprimander de façon quelconque des frères plus âgés, ou qui s'emporterait contre des enfants sans discrétion, il serait soumis à la discipline régulière, car il est écrit: « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. »

… pour chaque jour

PAS DE VIOLENCE AU MONASTÈRE 

Qu’elle soit physique, verbale, qu’elle prenne encore une autre forme, la violence, dans ce qu’elle a de non contrôlé, n’a pas de place au monastère. Les plus âgés comme les très jeunes constituent une cible terriblement facile. Aussi saint Benoît attire-t-il particulièrement l’attention à leur sujet : il faut être vigilant, mais sans dépasser la mesure et en restant intelligent.
Quand il parle de peine et de punition – et il ne se prive pas de le faire – saint Benoît ne cesse de plaider pour que les choses soient faites intelligemment. Il sait trop que la violence peut se cacher au cœur même de l’innocence, ne demandant qu’à trouver la porte de sortie. Elle ne peut donc être le critère des relations entre frères, sauf à faire perdre la paix aux cœurs.
La violence n’est que la manifestation d’une volonté de puissance. De façon cachée, saint Benoît demande que l’amour soit l’ultime éclat de la toute-puissance. L’amour qui n’écrase pas, qui ne regarde pas de haut, qui ne jalouse pas, qui ne violente pas, qui respecte, qui aime. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 〸2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 27 décembre

Sous la conduite de l’Évangile, avançons dans ses chemins…
(Règle de Saint Benoît – Prologue 21)



La Règle de Saint Benoît…

RB 69,1-4 (Que nul dans le monastère ne se permette d'en défendre un autre)

¹Il faut veiller à ce que personne, en aucune circonstance, dans le monastère, ne se permette de défendre un autre moine, ou de lui servir comme de protecteur, ²et cela, quel que soit le degré de parenté qui les unisse. ³Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car il peut en résulter de très graves occasions de conflits. Si quelqu'un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.

… pour chaque jour

Que nul ne se permette de protéger. Il y a des tempéraments protecteurs et ceux qui en sont affligés ne se rendent pas toujours compte à quel point ils sont parfois encombrants et indiscrets. Il faut essayer de les avertir, de leur faire prendre conscience de leur attitude afin qu’ils apprennent à respecter la liberté d’autrui, au lieu de la protéger. Et il faut aussi les supporter. L’ensemble des prescriptions de ces chapitres de la fin de la Règle constitue pour nous un rappel urgent du primat de la charité. Sans elle, sans un effort constant pour la rendre plus vraie, plus ouverte et délicate, toute notre vie de prière est illusion, notre liturgie théâtre, nos égards extérieurs hypocrisie. La réciproque est d’ailleurs vraie, car nous ne saurions aimer si nous ne prions pas. Les deux commandements vont ensemble et nous n’aurons jamais fini d’y répondre.

Écoute, 1969

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 655)









 26 décembre

Voyez comme le Seigneur lui-même, dans sa bonté,
nous montre le chemin de la vie.
(Règle de Saint Benoît – Prologue 20)



La Règle de Saint Benoît…

RB 68,1-5 (Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles)

¹Si l'on enjoint à un frère des choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance le commandement qui lui est fait. ²Cependant, s'il estime que le poids du fardeau dépasse entièrement la mesure de ses forces, il représentera au supérieur les raisons de son impuissance, avec patience et à propos, ³sans témoigner ni orgueil, ni résistance, ni contradiction. Que si après cette représentation le supérieur maintenait son ordre, l'inférieur se persuadera que la chose lui est avantageuse, et il obéira par amour, en mettant sa confiance dans l'aide de Dieu.

… pour chaque jour

Les manuscrits de la Règle, s’inspirant de la première phrase de ce chapitre lui ont donné comme titre : « Si un frère se voit enjoindre quelque chose d’impossible ». Un titre correspondant peut-être mieux au contenu de ce chapitre serait : « Dialogue et obéissance ».
Ici, comme en beaucoup d’autres endroits de la Règle nous voyons la différence essentielle entre l’obéissance de type ascétique et pédagogique qui lie le disciple au maître dans les milieux anachorétiques ou semi-anachorétiques et l’obéissance cénobitique, qui est une recherche en commun de la volonté de Dieu, le rôle de l’abbé étant d’animer et de guider cette recherche, et non pas de donner des ordres « pour faire pratiquer l’obéissance ».
Il faut remarquer évidemment aussi, non pas la contradiction (car il n’y en a pas) mais la différence d’accentuation entre les exigences assez radicales de l’obéissance décrites par Benoît au chapitre 5 de sa Règle, et ce qu’il écrit en ce chapitre 68, fruit d’une longue expérience et de beaucoup de sagesse. Au chapitre 5, Benoît exprimait les exigences absolues de l’obéissance et des principes qui doivent guider le moine dans sa vie communautaire. Il disait des moines vraiment obéissants : « De tels moines, délaissant sur le champ leurs propres affaires et renonçant à leur volonté propre, se libèrent immédiatement, et laissant inachevé ce qu’ils faisaient, ils exécutent effectivement l’ordre donné avec la promptitude de l’obéissance ». Ici Benoît se met du côté de celui qui doit obéir et de ce qu’il éprouve si on lui donne un ordre qu’il se sent incapable d’exécuter.
Pour comprendre ce chapitre il faut bien se rappeler que pour Benoît, l’essentiel de l’obéissance – pour tous, y compris l’abbé – est de se conformer à la volonté de Dieu. Toutes les médiations et toutes les structures d’autorité et d’obéissance au sein de la communauté monastique n’ont d’autre but que de rechercher et de découvrir ensemble ce qui est conforme aux plans de Dieu dans telle et telle circonstance. Benoît prévoit qu’il peut arriver que l’abbé, qui a pour tâche d’animer la recherche communautaire, puisse demander à un frère d’accomplir au sein de la communauté une tâche que le frère ne se sent pas capable d’accomplir. Que faire alors ? Entrer en dialogue, c’est-à-dire confronter les deux perceptions de la volonté divine pour arriver si possible à la même vision et la même conviction. Cela suppose de part et d’autre une attitude d’écoute – d’écoute de Dieu d’abord, d’écoute mutuelle ensuite. Benoît décrit en ce chapitre ce que doit être dans une telle situation l’attitude du moine. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 10 mars 2013)









 25 décembre

Le Seigneur, cherchant son ouvrier
dans la foule du peuple crie:
« Quel est l’homme qui veut
la vie et désire voir des jours heureux ? ».
(Règle de Saint Benoît – Prologue 15-16)



La Règle de Saint Benoît…

RB 67,1-7 (Des frères que l'on envoie en voyage)

¹Les frères qui doivent aller en voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l'abbé. ²Après la dernière oraison de l'Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents. ³En rentrant de voyage, le jour même de leur retour, les frères se prosterneront à terre dans l'oratoire à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'Œuvre de Dieu. Ils demanderont les prières de tous, à cause des écarts qu'ils auraient pu commettre en voyage, par leurs regards, ou en écoutant de mauvaises choses ou de vains propos. Personne ne se permettra de rapporter sans discernement à autrui ce qu'il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela produit de très grands dégâts. Celui qui oserait le faire sera soumis à la correction régulière. De même celui qui se permettrait de sortir de l’enceinte du monastère, ou d'aller n'importe où, ou de faire quoi que ce soit, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

… pour chaque jour

Ce qu’il a vu ou entendu hors du monastère. Il faut savoir faire la part entre l’information et la curiosité. Il est bon que nous sachions certaines choses, qui sont un appel à la prière, mais aussi à la qualité humaine de nos vies : connaître un peu les problèmes de la faim dans le monde, par exemple, nous provoque à l’intercession, nous invite à une vie de travail sérieuse afin que nous puissions participer au mouvement d’aide à tous les pauvres. Cela ne distrait pas de la vie avec Dieu. Au contraire, les échos, les potins, les dernières nouvelles nous sont nuisibles : c’est l’actualité, en ce qu’elle a de superficiel, d’immédiat et répond à la tendance vers la distraction, le divertissement. Saint Benoît nous invite à nous aider les uns les autres à ne pas vivre sur ce plan-là, et la retraite monastique est favorable à cet égard, pourvu qu’on ne la quitte pas facilement et que, à l’intérieur, on ne soit pas avide de ce genre de nouvelles superficielles.

Écoute, 1967

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 647)









 24 décembre

Ouvrons les yeux à la lumière divine.
Ayons les oreilles attentives à la voix de Dieu…
(Règle de Saint Benoît – Prologue 9)



La Règle de Saint Benoît…

RB 66,1-8 (Les portiers du monastère)

¹À la porte du monastère on placera un sage vieillard, qui sache recevoir et rendre un message, et dont la maturité le préserve de toute oisiveté. ²Le portier devra avoir sa cellule près de la porte, afin que ceux qui viennent trouvent toujours à qui parler. ³Et aussitôt qu'on aura frappé ou qu'un pauvre aura appelé, il répondra Deo gratias ou Benedic. Puis, avec toute la mansuétude que donne la crainte de Dieu, il s'empressera de donner réponse avec une charité fervente. Si le portier a besoin d'aide, on lui donnera un frère plus jeune. Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire: de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes. Et nous voulons que cette Règle soit lue souvent en communauté afin qu'aucun frère ne s'excuse sous prétexte d'ignorance.

… pour chaque jour

PAS DE DISPERSION 

C'est le seul endroit de la règle où saint Benoît semble s'être préoccupé des dimensions du monastère. La clôture doit être telle qu'elle puisse contenir moulin, jardin, ateliers. Autant que possible : le propos est nuancé et nous évite une lecture trop rigide.
Pareille "fermeture" est aujourd'hui source de difficultés. Clôture et fermeture évoquent la stérilité, l'étroitesse, tandis qu'ouverture est un mot porteur de haute valeur ajoutée, presque magique. L'important est dès lors de s'attacher à ce qu'a voulu saint Benoît : éviter la dispersion, chercher ce qui est avantageux pour l'âme, permettre au moine de « demeurer fixé au plus intime de soi-même » (Grégoire le Grand).
Le monastère doit être tel qu'il permette au moine d'atteindre pareille stabilité. La communauté des frères doit être telle que chacun y trouve de quoi nourrir et exercer ce délicat métier qu'est la recherche de Dieu. Elle est l'atelier où se pratiquent les instruments des bonnes œuvres. Elle est le jardin où éclosent les fines fleurs de la charité. Elle est l’enceinte, clôturée seulement par les liens de l’amour. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 〸2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 23 décembre

Avant tout, demande à Dieu par une très instante prière
qu’il mène à bonne fin tout bien que tu entreprennes.
(Règle de Saint Benoît – Prologue 4)



La Règle de Saint Benoît…

RB 65,11-22 (Le prieur du monastère)

¹¹C'est pourquoi nous jugeons que, pour conserver la paix et la charité, il faut que le gouvernement de son monastère dépende entièrement de l'abbé. ¹²Si faire se peut, toute la marche du monastère sera assurée par des doyens, et cela selon les ordres de l'abbé, comme nous l'avons déjà dit. ¹³Les charges étant confiées à plusieurs, un seul n'aura pas l'occasion de s'enorgueillir. ¹⁴Si toutefois le lieu rend un prieur désirable, ou si la communauté le demande pour un juste motif, et avec humilité, si l'abbé enfin le juge à propos, ¹⁵c'est ce dernier qui établira lui-même pour prieur celui qu'il aura choisi avec le conseil des frères craignant Dieu. ¹⁶Le prieur exécutera avec respect tout ce que son abbé lui prescrira, sans jamais contrevenir à sa volonté et à ses ordres. ¹⁷Car, plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit observer consciencieusement les préceptes de la Règle. ¹⁸Si ce prieur tombait dans quelque dérèglement, s'enflait d'orgueil, ou était convaincu de mépris pour la sainte Règle, on l'en reprendrait jusqu'à quatre fois. ¹⁹S'il ne s'amendait pas, on lui ferait subir la correction de la discipline régulière. ²⁰Si par ces moyens il ne se corrigeait pas encore, on le déposerait de son rang de prieur, et on mettrait à sa place un autre qui en fût digne. ²¹Enfin, si après tout cela, il ne se montrait pas tranquille et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère. ²²Que l'abbé songe cependant qu'il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que le feu de l'envie ou de la jalousie ne vienne à brûler son âme.

… pour chaque jour

Pour conserver la paix et la charité. La paix du monastère. Il y a là un grand bien que nous devons poursuivre avec persévérance, dans la joie. Tranquillité d’une vie spirituelle sans chocs dans une maison où tout va comme sur des roulettes ? Dieu nous en garde. La paix est faite d’oubli, de don de soi, de fidélité à Dieu dans le service du prochain. C’est à cela que doit tendre la bonne marche du monastère. Cette paix, c’est tout l’opposé à la fois de l’égoïsme et de l’inquiétude. Normalement, le visage des chrétiens doit refléter la paix, la force du Christ. La racine de l’anxiété, c’est le péché. Qui dit anxiété dit manque d’espérance, foi pratiquement morte. Ce dont le monde a besoin, ce n’est pas de notre anxiété, mais du rayonnement de notre espérance surnaturelle, génératrice de tous les dévouements au service du prochain. C’est elle qui fait les grandes œuvres dans l’Église, c’est elle qui fait les martyrs. Être témoins de paix.

Écoute, 1962

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 636)