1 janvier

Sachons bien que
ce n’est pas l’abondance des paroles,  
mais la pureté du cœur
et les larmes de la componction
qui nous obtiendront d’être exaucés.
(Règle de Saint Benoît 20,3)


La Règle de Saint Benoît...

RB Prologue 1-7

¹Ecoute, mon fils, les préceptes du Maître et prête l'oreille de ton cœur. Reçois volontiers l'enseignement d'un si bon père et mets-le en pratique, ²afin de retourner par l'exercice de l'obéissance à celui dont t'avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. ³C'est à toi donc maintenant que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l'obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. ⁴Avant tout, demande-lui par une très instante prière qu'il mène à bonne fin tout bien que tu entreprennes; ⁵ainsi, après avoir daigné nous admettre au nombre de ses enfants, il n'aura pas sujet, un jour, de s'affliger de notre mauvaise conduite. ⁶Car, en tout temps, il faut avoir un tel soin d'employer à son service les biens qu'il a mis en nous, que non seulement il n'ait pas lieu, comme un père offensé, de priver ses fils de leur héritage, ⁷mais encore qu'il ne soit pas obligé, comme un maître redoutable et irrité de nos méfaits, de nous livrer à la punition éternelle, tels de très mauvais serviteurs qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.


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... pour chaque jour

« L’écoute est l’hospitalité intérieure », dit Maurice Bellet. Elle réclame un espace en nous pour ce qui n’est pas nous. Ce qu'elle dit, c'est que nous sommes vivants de laisser du jeu et du creux à l'intérieur de notre être. Ce jeu intérieur pourrait se signifier par les trois attitudes essentielles qui caractérisent le Juif véritable: « Un agenouillement debout, un cri sans voix, une danse immobile. » (Martin Buber, Les récits hassidiques, Ed. du Rocher 1991, p.710.)
 
Ce motif de l’écoute est absolument central dans la tradition biblique. On naît par l’oreille, parce que c'est par l'oreille que nous arrive la Parole qui excède tout langage: la Parole de l’origine. Il faut entendre par Parole, non les mots que nous disons, mais ce qui parle en nous, la majuscule servant ici, comme le dit Marie Balmary, « à dire que je ne sais pas de quoi, de qui je parle. Elle est précisément la Parole que je ne sais pas ». (Le Sacrifice Interdit, Grasset, 1986, p.137.)

(Francine Carrillo, Pour une spiritualité de l´insurrection, Coédition Ouverture-Olivétan-Opec, Son mot à dire…, 2014, p.8-9)

* Initiale - Ms Abbaye de Maredret










 31 décembre

Tenons-nous pour psalmodier de manière que
notre esprit soit en accord avec notre voix.
(Règle de Saint Benoît 19,7)




La Règle de Saint Benoît...

RB 73,1-9 (Toute la pratique de la justice n'est pas contenue dans cette règle) 

¹Cette Règle, que nous venons d'écrire, il suffira de l'observer dans les monastères pour faire preuve d'une certaine rectitude morale et d'un commencement de vie monastique. ²Quant à celui qui aspire à la vie parfaite, il a les enseignements des saints Pères, dont la pratique amène l'homme jusqu'aux sommets de la perfection. ³Est-il, en effet, une page, est-il une parole d'autorité divine, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une règle toute droite pour la conduite de notre vie ? ⁴Ou encore, quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? 5 Et de même, les Conférences des Pères, leurs Institutions et leurs Vies ainsi que la Règle de notre Père saint Basile, 6 sont-elles autre chose que des instruments de vertus pour moines vraiment bons et obéissants ? 7 Il y a là pour nous, relâchés, inobservants et négligents, de quoi rougir de confusion. 8 Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l'aide du Christ, cette toute petite Règle, écrite pour les débutants. 9 Cela fait, tu parviendras avec la protection de Dieu, aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus, que nous venons de rappeler. Amen.


Ste Hildegard - E. Weinert



... pour chaque jour

Trois choses caractérisent la vie du chrétien : l'action, la parole, la pensée. Parmi elles, la principale est la pensée. Après la pensée, vient la parole, qui révèle par les mots la pensée imprimée dans l'âme. Après l'esprit et le langage, vient l'action, qui met en œuvre ce que l'on a pensé. Lorsque l'une de ces trois choses nous dirige dans le cours de la vie, il est bien que tout : parole, action et pensée, soit divinement réglé selon les connaissances qui permettent de comprendre et de nommer le Christ, afin que notre action, notre parole ou notre pensée ne s'écartent pas de ce que ces noms signifient.

Que doit faire celui qui a obtenu de porter le nom magnifique du Christ ? Rien d'autre que d'examiner en détail ses pensées, ses paroles et ses actions : est-ce que chacune d'elles tend vers le Christ, ou bien s'éloigne de lui ? Cet examen se fait de multiples façons. Les actes, les pensées ou les paroles qui entraînent une passion quelconque, tout cela n'est aucunement en accord avec le Christ, mais porte l'empreinte de l'Adversaire, lui qui plonge les perles de l'âme dans le bourbier des passions, et fait disparaître l’éclat de la pierre précieuse. 

Au contraire, ce qui est exempt de toute disposition due à la passion regarde vers le chef de la paix spirituelle, qui est le Christ. C'est en lui, comme à une source pure et incorruptible, que l'on puise les connaissances qui conduisent à ressembler au modèle primordial ; ressemblance pareille à celle qui existe entre l'eau et l'eau, entre l'eau qui jaillît de la source et celle qui de là est venue dans l’amphore.

En effet, c'est par nature la même pureté que l'on voit dans le Christ, et chez celui qui participe au Christ. Mais chez le Christ elle jaillit de la source, et celui qui participe du Christ puise à cette source et fait passer dans la vie la beauté de telles connaissances. C'est ainsi que l'on voit l'homme caché concorder avec l'homme apparent, et qu'un bel équilibre de vie s'établit chez ceux que dirigent les pensées qui poussent à ressembler au Christ.

À mon avis, c'est en cela que consiste la perfection de la vie chrétienne : obtenir en partage tous les noms qui détaillent la signification du nom du Christ, par notre âme, notre parole et les activités de notre vie. 

(SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE, Traité sur la perfection chrétienne)








30 décembre

Les offices des Laudes et des Vêpres
ne devront jamais se conclure
sans que le supérieur dise,
en dernier lieu, en entier,
et au milieu de l’attention générale,
l’oraison dominicale,
à cause des épines de querelles
qui ont accoutumé de se produire.
(Règle de Saint Benoît 13,12)


La Règle de Saint Benoît...

RB 72,1-11 (Le bon zèle que doivent avoir les moines) 

¹Il est un mauvais zèle, un zèle amer, qui sépare de Dieu et mène à l'enfer. ²De même, il est un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. ³C'est ce zèle que les moines pratiqueront avec un très ardent amour : ⁴ils s'honoreront mutuellement avec prévenance; ⁵ils supporteront avec une très grande patience les infirmités d'autrui, tant physiques que morales ; ⁶ils s'obéiront à l'envi ; ⁷nul ne recherchera ce qu'il juge utile pour soi, mais bien plutôt ce qui l'est pour autrui ; ⁸ils s'accorderont une chaste charité fraternelle ; ⁹ils craindront Dieu avec amour ; ¹⁰ils aimeront leur abbé avec une charité sincère et humble ; ¹¹ils ne préfèreront absolument rien au Christ ; ¹²qu'Il nous amène tous ensemble à la vie éternelle !


St Benoît - E. Weinert



... pour chaque jour

Comment doit-on entendre ici la loi de Dieu, sinon comme étant la charité? Car c'est toujours elle qui nous fait comprendre comment nous devons observer dans notre conduite les préceptes de vie. De cette loi, la parole de Vérité nous dit : Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. Saint Paul dit à ce sujet : L'accomplissement parfait de la loi, c'est l'amour. Et il dit encore : Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ. En effet, rien ne traduira plus exactement la loi du Christ, sinon la charité que nous accomplissons vraiment lorsque nous portons par amour les fardeaux de nos frères.

Mais on dit aussi que cette même loi est multiple, parce que la charité, avec empressement, s'étend à tous les actes des différentes vertus. Elle commence par deux préceptes, mais elle s'étend à des préceptes innombrables.
 
Saint Paul expose bien cette multiplicité de la loi, lorsqu'il dit : L'amour prend patience, l'amour est serviable, il ne jalouse pas, ne se gonfle pas d'orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il n'est pas ambitieux ; il ne cherche pas son intérêt, il ne s'emporte pas ; il ne pense pas au mal, il ne se réjouit pas de ce qui est mauvais, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai.

L'amour prend patience, parce qu'il supporte avec calme le mal qu'on lui fait. Il est serviable, parce qu'il distribue généreusement le bien, en échange du mal. Il ne jalouse pas, parce que, ne désirant rien dans le monde présent, il ignore la jalousie à l'égard des réussites terrestres. Il ne se gonfle pas d'orgueil, parce que, désirant ardemment la récompense intérieure, il ne s'enorgueillit pas des biens extérieurs. Il ne fait rien de malhonnête, parce que, du fait qu'il s'épanouit seulement dans l'amour de Dieu et du prochain, il ignore tout ce qui s’écarte de la rectitude.

Il n'est pas ambitieux, parce que, toute sa recherche étant tournée vers l'intérieur, il ne convoite aucunement à l'extérieur les biens d'autrui. Il ne cherche pas son intérêt, parce que, tout ce qu'il possède ici-bas en passant, il le néglige comme un bien étranger, puisqu'il reconnaît que rien ne lui appartient vraiment, sinon ce qui pourra demeurer avec lui. Il ne s'emporte pas, parce que, même accablé d'injustices, il ne cède à aucun mouvement de vengeance, puisqu'il attend, pour les grandes peines qu'il subit, des récompenses bien plus grandes. Il ne pense pas au mal, parce que, en établissant fermement son âme dans l'amour de la pureté, puisqu'il extirpe radicalement toute haine, il ne peut remuer en lui des pensées qui le salissent.
 
Il ne se réjouit pas de ce qui est mauvais, parce que, ne cherchant qu'à aimer tout le monde, il ne trouve aucune joie dans la perte de ses adversaires. Il trouve sa joie dans ce qui est vrai, parce que, aimant les autres comme soi-même, lorsqu'il découvre en autrui quelque chose de droit, il s'en réjouit comme contribuant à son progrès personnel. Cette loi de Dieu est donc multiple.

(Saint Grégoire le Grand, Commentaire sur le livre de Job)








 

 29 décembre

du haut du ciel,
le regarde à tout moment.
(Règle de Saint Benoît 7,13)




La Règle de Saint Benoît...

RB 71,1-9 (Que les frères s'obéissent mutuellement) 

¹Ce n'est pas seulement à l'abbé que tous les frères doivent rendre le bien de l'obéissance; il faut encore qu'ils s'obéissent les uns aux autres. ²Ils sauront que c'est par cette voie de l'obéissance qu'ils iront à Dieu. ³Plaçant avant tout les ordres de l'abbé et ceux des responsables qu'il a établis - ordres auxquels nous ne permettons pas de préférer les directives d'origine privée - ⁴tous les jeunes obéiront pour le reste à leurs anciens, en toute charité et empressement. ⁵S'il se rencontre quelqu'un qui ait l'esprit de contestation, il sera châtié. ⁶Lorsqu'un frère est repris par l'abbé ou par un supérieur quelconque en n'importe quelle manière, et pour une cause même de peu d'importance, ⁷s'il s'aperçoit alors tant soit peu que l'esprit de ce supérieur est irrité ou ému contre lui, fût-ce légèrement, ⁸il se prosternera aussitôt sans tarder par terre, à ses pieds, pour faire satisfaction jusqu'à ce que la bénédiction qu'on lui donnera ait fait connaître que l'émotion est calmée. ⁹Si quelqu'un dédaigne d'en agir ainsi, il sera soumis à un châtiment corporel, et, s'il demeure opiniâtre, il sera expulsé du monastère.


Ste Hildegard - C. Compain



... pour chaque jour

Rappelle à tous qu’ils doivent être soumis aux gouvernants et aux autorités, qu’ils doivent leur obéir et être prêts à faire tout ce qui est bien ; qu’ils n’insultent personne, ne soient pas violents, mais bienveillants, montrant une douceur constante à l’égard de tous les hommes.
Car nous aussi, autrefois, nous étions insensés, révoltés, égarés, esclaves de toutes sortes de convoitises et de plaisirs ; nous vivions dans la méchanceté et la jalousie, nous étions odieux et remplis de haine les uns pour les autres.
Mais lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. 

 

(Tite 3,1-5a – La Bible – AELF)









 28 décembre

C’est de bon cœur
que les disciples doivent obéir parce que
« Dieu aime celui qui donne joyeusement ».
(Règle de Saint Benoît 5,16)





La Règle de Saint Benoît...

RB 70,1-7 (Que nul ne se permette de frapper à tout propos) 

¹Il faut éviter dans le monastère toute occasion de présomption ; ²aussi ordonnons-nous qu'il ne sera permis à personne d'excommunier ou de frapper l'un de ses frères, à moins qu'il n'en ait reçu pouvoir de l'abbé. ³Ceux qui commettront des fautes seront repris devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. ⁴Les enfants, jusqu'à l'âge de quinze ans, seront sous la garde et la surveillance de tous les frères ; ⁵mais cette vigilance s'exercera avec mesure et intelligence. ⁶Quant à celui qui se permettrait, sans l'ordre de l'abbé, de réprimander de façon quelconque des frères plus âgés, ou qui s'emporterait contre des enfants sans discrétion, il serait soumis à la discipline régulière, ⁷ car il est écrit: « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. »


St Benoît - P. de Grauw



... pour chaque jour

Quand vous vous tenez en prière,
si vous avez quelque chose contre quelqu’un,
pardonnez,
afin que votre Père qui est aux cieux
vous pardonne aussi vos fautes.
 
(Marc 11,25 – La Bible – AELF)







 27 décembre

L’atelier où nous devons
travailler diligemment avec tous ces instruments,
c’est le cloître du monastère
avec la stabilité dans la communauté.
(Règle de Saint Benoît 4,78)




La Règle de Saint Benoît...

RB 69,1-4 (Que nul dans le monastère ne se permette d'en défendre un autre) 

¹Il faut veiller à ce que personne, en aucune circonstance, dans le monastère, ne se permette de défendre un autre moine, ou de lui servir comme de protecteur, ²et cela, quel que soit le degré de parenté qui les unisse. ³Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car il peut en résulter de très graves occasions de conflits. ⁴Si quelqu'un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.


Ste Hildegard - E. Weinert



... pour chaque jour

À propos de ceux qui en protégeraient ou en soutiendraient d’autres, saint Benoît dénonce dans leur comportement une « très grave occasion de scandales », même si ce comportement a une cause naturelle (un lien familial par exemple) et à plus forte raison s’il n’en a pas ! Un « scandale » est une entrave, un obstacle sur le chemin du Royaume, une pierre qui fait tomber et soi-même et les autres. Le jugement est sévère et la réprimande véhémente : acrius coercetur : « On le punira très rigoureusement ». Pourquoi une telle sévérité ? Parce que celui qui prend la défense, comme celui qui corrige, se pose lui-même en norme de la vérité et de la justice. Le mal vient toujours de la référence à soi.  Ici – et c’est plus grave – sous couvert de charité : on pense à l’autre, on veut agir en sa faveur, mais à partir de soi. Il manque, dans cette fausse relation de charité, la référence au « troisième acteur » qui est Dieu. 

(Extrait de : Sœur LOYSE MORARD osb, « OBÉIR, UNE SAGESSE ? ‘… ceux qui n’ont rien de plus cher que le Christ…’ », Regard sur la Règle de saint Benoît n° 3, Saint-Léger éditions, 2017, p. 65-66.)







 26 décembre

Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
(Règle de Saint Benoît 4,74)





La Règle de Saint Benoît...

RB 68,1-5 (Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles) 

¹Si l'on enjoint à un frère des choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance le commandement qui lui est fait. ²Cependant, s'il estime que le poids du fardeau dépasse entièrement la mesure de ses forces, il représentera au supérieur les raisons de son impuissance, avec patience et à propos, ³sans témoigner ni orgueil, ni résistance, ni contradiction. ⁴Que si après cette représentation le supérieur maintenait son ordre, l'inférieur se persuadera que la chose lui est avantageuse, ⁵et il obéira par amour, en mettant sa confiance dans l'aide de Dieu.


St Benoît - E. Weinert



... pour chaque jour

Venez à moi,
vous tous qui peinez sous le poids du fardeau,
et moi, je vous procurerai le repos.
 
Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples,
car je suis doux et humble de cœur,
et vous trouverez le repos pour votre âme.
 
Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. 

(Matthieu 11,28-30 – La Bible – AELF)










 25 décembre

Se réconcilier avant le coucher de soleil,
avec qui on est en discorde.
(Règle de Saint Benoît 4,73)




La Règle de Saint Benoît...

RB 67,1-7 (Des frères que l'on envoie en voyage) 

¹Les frères qui doivent aller en voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l'abbé. ²Après la dernière oraison de l'Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents. ³En rentrant de voyage, le jour même de leur retour, les frères se prosterneront à terre dans l'oratoire à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'Œuvre de Dieu. ⁴Ils demanderont les prières de tous, à cause des écarts qu'ils auraient pu commettre en voyage, par leurs regards, ou en écoutant de mauvaises choses ou de vains propos. ⁵Personne ne se permettra de rapporter sans discernement à autrui ce qu'il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela produit de très grands dégâts. ⁶Celui qui oserait le faire sera soumis à la correction régulière. ⁷De même celui qui se permettrait de sortir de l’enceinte du monastère, ou d'aller n'importe où, ou de faire quoi que ce soit, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.


Ste Hildegard - E. Weinert



... pour chaque jour

Écoute, mon fils, accueille mes paroles, les années de ta vie en seront augmentées.
Je te conduis par un chemin de sagesse, je te fais cheminer par des sentiers de droiture. Nulle entrave à ta marche : si tu cours, tu ne trébucheras pas. Tiens-toi à la discipline, ne te relâche pas, veille sur elle : elle est ta vie.
Sur la route des méchants, ne t’engage pas ; ne t’avance pas sur le chemin des malfaiteurs : évite-le, n’y passe pas, détourne-toi de lui, passe au-delà !
La route des justes est lumière d’aurore, sa clarté s’accroît jusqu’au grand jour. Le chemin des méchants, c’est la ténèbre : ils trébuchent sans savoir sur quoi. 

(Proverbes 4,10-15.18-19 – La Bible – AELF)







 24 décembre

Ne pas vouloir être appelé saint avant de l’être,
mais le devenir d’abord,
alors on le sera appelé avec plus de vérité.
(Règle de Saint Benoît 4,62)




La Règle de Saint Benoît...

RB 66,1-8 (Les portiers du monastère) 

¹À la porte du monastère on placera un sage vieillard, qui sache recevoir et rendre un message, et dont la maturité le préserve de toute oisiveté. ²Le portier devra avoir sa cellule près de la porte, afin que ceux qui viennent trouvent toujours à qui parler. ³Et aussitôt qu'on aura frappé ou qu'un pauvre aura appelé, il répondra Deo gratias ou Benedic. ⁴Puis, avec toute la mansuétude que donne la crainte de Dieu, il s'empressera de donner réponse avec une charité fervente. ⁵Si le portier a besoin d'aide, on lui donnera un frère plus jeune. ⁶Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire: de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. ⁷De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes. ⁸Et nous voulons que cette Règle soit lue souvent en communauté afin qu'aucun frère ne s'excuse sous prétexte d'ignorance.


St Benoît - E. Weinert



... pour chaque jour

J’aime, dans l’Orient chrétien, qui se soucie peu des modes, ce respect, cette admiration du vieillard. Un homme engagé dans les voies de la vie spirituelle est nommé, quel que soit son âge, un « beau vieillard », et la beauté, ici, ne se dissocie pas de la sagesse et de l’amour ; elle monte du cœur. Regardez les moines de l’Athos ou de Moldavie, quand l’âge les libère d’une réserve qui souvent nous semble affectée, mais constitue le cocon de la chrysalide : les lèvres s’affinent et s’intériorisent, le front se dilate et se nacre, la blancheur des cheveux et de la barbe témoigne d’une transfiguration, les yeux retrouvent le grave étonnement de l’enfance, mais avec quelque chose de mat, d’impassible, au-delà de toute passion et de toute peur. La main, sa chair même, devient sèche, légère, pure, comme la main d’un très jeune enfant.

(…)

Il m’a fallu connaître l’Orient chrétien (mais je sais maintenant que l’Occident, dans ses monastères surtout, a ses orients secrets) pour rencontrer à nouveau, cette fois dans la conscience de la résurrection, des vieillards lumineux, dont la simple présence aide à vivre, à mourir, à se transformer par la mort. Tel était le patriarche Athénagoras. Il avait plus de quatre-vingts ans quand je l’ai connu. C’était un être de bénédiction, et les jeunes ne s’y trompaient pas. Il avait une capacité enfantine de s’émerveiller : quand il saluait, en février, le premier arbre qui fleurit dans le jardin du patriarcat, quand il observait longuement l’écriture des oiseaux sur le ciel, de la Marmara à la Corne d’Or ; ou celle des fourmis sur la terre. La désappropriation du sage le rendait capable d’écouter, d’accueillir, de plonger dans « l’océan intérieur d’un regard ». Il n’avait plus peur, l’angoisse en lui s’était changée en confiance. Un don de prophétie lui était venu. Il savait que, puisque le Christ est ressuscité, toute situation historique, si tragique soit-elle, est une situation d’enfantement. Il savait que l’angoisse de l’Occident constitue désormais le lieu où doit éclater l’annonce, et l’exemple, de la résurrection, de la vie plus forte que la mort.

Quand le moment est venu, il savait qu’il allait mourir. Le métropolite Méliton, son ami, lui parla d’un voyage à Vienne pour une intervention chirurgicale. « Non, a-t-il répondu, c’est à un autre voyage que je dois me préparer. » Après avoir reçu la communion, il a refusé toute nourriture, il a remercié chacun puis demandé à rester seul. Il est mort ainsi, ans seul à Seul où l’on n’est plus séparé de rien.

(…)

Dans l’Orient chrétien, le moine est celui qui veut entrer vivant dans la mort pour devenir, dès ici-bas, un ressuscité. Parmi ceux qui marchaient avec moi, en ce soir de mai, il m’a semblé qu’il y avait deux « ressuscités » (nous le sommes tout, mais eux consciemment, d’une conscience transformante), dont la mort ne serait pas une agonie, mais une simple « dormition » : on passe de l’autre côté des choses et l’on continue de servir l’amour. L’un des deux, puissant maître d’œuvre, parlait plus volontiers. L’autre ne disait presque rien. Mais d’être près de lui faisait fondre le cœur d’une douceur qui ne peut se dire.

(OLIVIER CLÉMENT, L’autre soleil – quelques notes d’autobiographie spirituelle, Desclée de Brouwer, 2010, p.64-65.)