1 août

Tu parviendras avec la protection de Dieu…
(Règle de Saint Benoît 73,9)



La Règle de Saint Benoît…

RB 50,1-4 (Les frères qui travaillent loin de l'oratoire ou qui sont en voyage)

¹Les frères qui travaillent fort loin et qui ne peuvent revenir à l'oratoire aux heures voulues - ²l'abbé ayant jugé qu'il en est bien ainsi - ³accompliront l'Œuvre de Dieu sur place et à genoux, avec le respect dû à Dieu. De même, ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les Heures prescrites; ils les diront comme ils pourront, en leur particulier, et ne négligeront pas de s'acquitter de ce devoir de leur service.

… pour chaque jour

MOINE PARTOUT ET EN TOUT TEMPS
Le moine reste moine partout. Il emporte partout avec lui les exigences de sa vocation. Il doit y répondre partout et en tout temps. La priorité de l’Office divin doit donc marquer sa journée, qu’il soit au monastère ou en voyage.
Une fois rappelée cette exigence radicale, saint Benoît est loin d’imposer une uniformité dans la manière de célébrer l’Office, loin de transporter le cadre du monastère et ses contraintes. « Comme ils pourront » écrit-il, laissant à l’initiative du moine le soin d’organiser lui-même la célébration à assurer.
Ici comme ailleurs, saint Benoît ne transige pas sur ce qu’il considère comme essentiel, il ne se crispe pas sur la forme à lui donner. « Comme ils pourront ». Ce n’est pas le laisser-faire, ni la pente vers la médiocrité, ni l’indifférence. C’est la confiance et l’appel à la responsabilité. Parfois, c’est une véritable ascèse. Le moine est invité à ne pas s’y soustraire. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 - 2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)













 31 juillet

Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste,
accomplis avec l’aide du Christ,
cette toute petite Règle, écrite pour les débutants.
(Règle de Saint Benoît 73,8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 49,1-10 (L'observance du Carême)

¹La vie d'un moine devrait être, en tout temps, aussi observante que durant le Carême. ²Mais, comme il en est peu qui possèdent cette perfection, nous exhortons tous les frères à vivre en toute pureté pendant le Carême, ³et à effacer, en ces jours sacrés, toutes les négligences des autres temps. Nous le ferons dignement, si nous nous préservons alors de tous les vices, si nous appliquons à la prière avec larmes, à la lecture, à la componction du cœur et au renoncement. En ces jours donc, ajoutons quelque chose à la tâche accoutumée de notre service: oraisons particulières, restriction dans les aliments et la boisson. Chacun offrira de sa propre volonté à Dieu, dans la joie du Saint-Esprit, quelque pratique surérogatoire; il retranchera à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, les entretiens; et il attendra la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel. Chacun cependant soumettra à son abbé ce qu'il se propose d'offrir à Dieu et n'agira qu'avec sa prière et son approbation : car tout ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera imputé à présomption et à vaine gloire, non à mérite. ¹⁰Pourtant, tout doit se faire avec l'assentiment de l'abbé.

… pour chaque jour

Revenez à moi de tout votre cœur et manifestez votre pénitence par le jeûne, les larmes et le deuil ; si vous jeûnez maintenant, plus tard vous serez rassasiés ; si vous pleurez maintenant, plus tard vous rirez; si vous êtes dans le deuil maintenant, plus tard vous serez consolés. Il est d'usage de déchirer ses vêtements dans la tristesse et devant les oppositions. L'Évangile a rapporté le fait chez le grand prêtre qui voulait souligner le crime du Sauveur. Nous lisons que Paul et Barnabé en ont fait autant lorsqu'ils ont entendu des paroles blasphématoires. Aussi je vous prescris de ne pas déchirer vos vêtements, mais vos cœurs : comme des outres qui, si elles ne sont pas déchirées, éclatent d'elles-mêmes. Lorsque vous aurez fait cela, revenez au Seigneur votre Dieu, dont vos péchés vous avaient éloignés ; ne désespérez pas du pardon, quelle que soit l'énormité de vos crimes, car une grande miséricorde effacera de grands péchés.
En effet, le Seigneur est bon et miséricordieux, préférant à la mort le repentir des péchés, il est patient et riche en miséricorde; il n'imite pas l'impatience des hommes, mais il attend longuement notre repentir ; il est prêt à arrêter le mal ou à s'en repentir. C'est-à-dire que si nous nous repentons de nos péchés, lui-même se repentira de ses menaces et ne nous infligera pas les maux dont il nous avait menacés ; si nous changeons d'avis, lui aussi en changera. Ce mal que nous devons accepter ici n'est pas celui qui s'oppose à la vertu, mais l'affliction au sujet de laquelle nous lisons ailleurs : À chaque jour suffit sa peine. Et aussi : Arrive-t-il un malheur dans une ville, sans que le Seigneur l’ait causé ?
Joël avait dit plus haut : le Seigneur est bon et miséricordieux, patient et riche en miséricorde, prêt à arrêter le mal et s'en repentir. Mais, pour que cette grande clémence ne nous rende pas négligents, il ajoute dans ce texte prophétique : Qui sait ? il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment et nous combler de ses bienfaits. Moi, dit-il, je vous exhorte de mon mieux à la pénitence, et je sais que la clémence de Dieu est inexprimable. Comme l'a dit David: Pitié pour moi, mon Dieu, dans ta grande miséricorde; dans l'abondance de tes pardons, efface mes péchés. Mais, parce que nous ne pouvons pas connaître la profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu, je modère mon affirmation et je souhaite plus que je ne présume, en disant : Qui sait? il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment. Ce « qui sait» doit être compris comme désignant une chose impossible ou difficile.
Un sacrifice et une libation au Seigneur notre Dieu. Cela signifie que lorsque le Seigneur nous aura comblés de ses bienfaits et nous aura pardonné nos péchés, nous pourrons offrir à Dieu des sacrifices. 

(SAINT JÉRÔME, Commentaire sur le Prophète Joël)













 30 juillet

Ne préférer absolument rien au Christ ;
qu’Il nous amène tous ensemble à la vie éternelle.
(Règle de Saint Benoît 72,11-12)



La Règle de Saint Benoît…

RB 48,22-25 (Le travail manuel de chaque jour)

²²Le dimanche, tous vaqueront à la lecture, excepté ceux qui sont employés à divers offices. ²³Si toutefois quelqu'un était si négligent et paresseux qu'il ne voulût ou ne pût ni méditer ni lire, on l'appliquera à quelque travail, afin qu'il ne demeure pas oisif. ²⁴Quant aux frères malades ou délicats, on leur donnera tel ouvrage ou métier qui les garde de l'oisiveté, sans les accabler ni les porter à s'esquiver. ²⁵L'abbé doit avoir leur faiblesse en considération.

… pour chaque jour

Dans la Loi donnée par Moïse…, Dieu ordonnait à tous de se reposer et de ne faire aucun travail le jour du sabbat. Mais celui-ci était « une image et une ombre » (He 8,5) du véritable sabbat, qui est accordé à l’âme par le Seigneur. En effet, l’âme qui a été jugée digne du véritable sabbat cesse de s’adonner à ses préoccupations honteuses et avilies et s’en repose ; elle célèbre le véritable sabbat et jouit du véritable repos, étant délivrée de toutes les œuvres des ténèbres…
Jadis, il était prescrit que même les animaux dénués de raison devaient se reposer le jour du sabbat : le bœuf ne devait pas être soumis au joug, ni l’âne porter de fardeau, car les animaux eux-mêmes se reposaient des travaux pénibles. En venant parmi nous et en nous donnant le sabbat véritable et éternel, le Seigneur a apporté le repos à l’âme qui était chargée et accablée du fardeau du péché, et qui, sous la contrainte, accomplissait des œuvres de l’injustice, assujettie qu’elle était à des maîtres cruels. Il l’a soulagée du poids intolérable des idées vaines et ignobles ; il l’a affranchie du joug amer des œuvres d’injustice, et il lui a donné le repos.
En effet, le Seigneur appelle l’homme au repos en lui disant : « Venez, vous tous qui peinez et êtes accablés, et je vous donnerai le repos » (Mt 11,28). Et toutes les âmes qui lui font confiance et s’approchent de lui… célèbrent un sabbat véritable, délicieux et saint, une fête de l’Esprit, dans une joie et une allégresse inexprimables. Elles rendent à Dieu un culte pur qui lui plaît, procédant d’un cœur pur. C’est là le sabbat véritable et saint. 

(SAINT MACAIRE D’ÉGYPTE, Homélie 35 – attribuée à Saint Macaire d’Égypte, trad. coll. Spi. Or. 40, p. 301 rev.)









 29 juillet

Les moines aimeront leur abbé
avec une charité sincère et humble.
(Règle de Saint Benoît 72,10)



La Règle de Saint Benoît…

RB 48,10-21 (Le travail manuel de chaque jour)

¹⁰À partir du 13 septembre jusqu'au commencement du Carême, les frères vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure ; ¹¹puis on dira Tierce. Ensuite, ils travailleront jusqu'à la neuvième heure à l'ouvrage qui leur aura été enjoint. ¹²Au premier coup de None, ils quitteront tous leur travail de façon à être prêts quand le second coup sonnera. ¹³Après le repas, ils s'appliqueront à leurs lectures ou à l'étude des psaumes. ¹⁴Durant tout le Carême, ils s'appliqueront à la lecture depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure; ils feront ensuite jusqu'à la dixième heure entière le travail qui leur a été enjoint. ¹⁵En ces jours de Carême, chacun recevra un livre tiré de la bibliothèque, qu'il lira à la suite et en entier. ¹⁶Ces livres seront distribués au début du Carême. ¹⁷On ne manquera pas de nommer un ou deux anciens, qui parcourent le monastère aux heures consacrées à la lecture. ¹⁸Ils examineront s'il ne se trouve pas quelque moine paresseux, perdant son temps à l'oisiveté ou au bavardage, au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui ainsi, non seulement se nuit à lui-même, mais dissipe les autres. ¹⁹Si, à Dieu ne plaise ! un frère est surpris en cette faute, on le reprendra jusqu'à deux fois. ²⁰S'il ne s'amende point, on le soumettra à la correction régulière, de façon à inspirer de la crainte aux autres. ²¹Un moine ne se joindra pas à un autre aux heures indues.

… pour chaque jour

Il y avait aux Cellules un vieillard du nom d’Apollos. Si on venait le solliciter pour un travail quelconque, il y allait avec joie en disant : « C’est avec le Christ que je vais travailler aujourd’hui pour mon âme, car c’est là mon salaire ». 

(APOPHTEGMES, Apollos 1, dans : Sagesse du désert – 365 textes des Pères du désert rassemblés par le Père Benoît Standaert osb, Éditions de Solesmes, 2005, p. 96)









 28 juillet

Craindre Dieu avec amour.
(Règle de Saint Benoît 72,9)



La Règle de Saint Benoît…

RB 48,1-9 (Le travail manuel de chaque jour)

¹L'oisiveté est ennemie de l'âme. Les frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d'autres à la lecture des choses divines. ²C'est pourquoi nous croyons pouvoir régler l'une et l'autre de ces occupations de la manière suivante : ³de Pâques au 13 septembre, les frères sortiront dès le matin pour s'employer aux travaux nécessaires, depuis la première heure du jour jusqu'à la quatrième environ ; depuis la quatrième jusqu'à la sixième, ils s'adonneront à la lecture. Après la sixième heure, leur dîner fini, ils se reposeront sur leur lit dans un parfait silence. Si quelqu'un veut lire, il pourra le faire tout bas de façon à n'incommoder personne. On dira None plus tôt qu'à l'ordinaire, environ à la huitième heure et demie. Après quoi, ils se mettront de nouveau à l'ouvrage jusqu'aux Vêpres. Si les frères se trouvent obligés, par la nécessité ou la pauvreté, à travailler eux-mêmes aux récoltes, ils ne s'en affligeront point ; c'est alors qu'ils seront vraiment moines, lorsqu'ils vivront du travail de leurs mains, à l'exemple de nos pères et des Apôtres. Que tout néanmoins se fasse avec modération, par égard pour les faibles.

… pour chaque jour

Travaillons pour une nourriture qui ne périt pas, travaillons à l'œuvre de notre salut. Travaillons dans la vigne du Seigneur pour obtenir le denier — le salaire de la journée. Travaillons dans la sagesse, elle qui dit : Ceux qui travaillent en moi ne pécheront pas. Le champ, c'est le monde, dit la Vérité, creusons-le. Un trésor y est caché, trouvons-le c'est la sagesse, elle que l'on tire des profondeurs cachées. Tous, nous le cherchons, tous, nous le désirons.
Si vous cherchez, cherchez bien, dit le prophète : convertissez-vous et venez. Tu te demandes de quoi il faut te convertir ? Détourne-toi de ta volonté propre, est-il écrit. Mais, dis-tu, si je ne trouve pas la sagesse dans ma volonté propre, où la trouverai-je ? Mon âme, en effet, la désire avec force, et s'il lui arrive de la trouver, elle ne se contentera pas de cela, mais elle en voudra une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, que je puisse verser dans mon tablier. Elle a raison, certes : Heureux en effet l'homme qui a trouvé la sagesse et qui acquiert l'intelligence. Cherche-la donc tant qu'on peut la trouver, et tant qu'elle est proche, appelle-la. Tu veux savoir à quel point elle est proche ? La Parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, mais seulement à la condition que tu la recherches d'un cœur droit. De la sorte, tu trouveras la sagesse avec ton cœur, et l'intelligence abondera dans ta bouche. Qu'elle y abonde, oui, mais qu’elle n’en déborde pas ; prends garde de ne pas la vomir !
C'est vraiment du miel que tu as trouvé, en trouvant la sagesse. Pourtant n'en mange pas trop, pour ne pas la vomir d’écœurement. Manges-en de manière à rester toujours sur ta faim. Car c'est elle qui dit : Ceux qui me mangent auront encore faim. Ne va pas estimer comme une grande quantité ce que tu as ; ne t'en gorge pas pour ne pas la vomir : cela même que tu parais avoir te serait enlevé, car avant qu'il ne soit temps tu te serais arrêté dans ta recherche. Or, tant qu'on peut la trouver, tant qu'elle est proche, il ne faut cesser de la chercher et de l'appeler. Sinon il en sera comme de celui qui mange beaucoup de miel : Salomon lui-même le dit bien : Cela ne lui vaut rien, car celui qui aura cherché sans discrétion la majesté sera écrasé par la gloire.
En effet, de même qu'il est écrit : Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse, de même : Heureux l'homme, et même plus heureux, s'il persévère dans la sagesse, et de fait, c'est peut-être bien en cela que consiste son abondance. Voilà les trois manières dont tu peux avoir la bouche pleine de sagesse et d'intelligence : d'abord par l'aveu de ta propre injustice, ensuite par l'action de grâce et la proclamation de la louange, enfin par une parole qui édifie. Car celui qui croit du fond de son cœur devient juste, celui qui, de sa bouche, affirme sa foi, parvient au salut. C'est vrai d'ailleurs : Dès qu'il se met à parler, le juste se fait son propre accusateur. En deuxième lieu, il faut qu'il exalte le Seigneur, et en troisième lieu (s'il lui reste encore de la sagesse), il doit édifier son prochain. 

(SAINT BERNARD, Sermon)









 27 juillet

Nul ne cherchera ce qu’il juge utile pour soi,
mais bien plutôt ce qui l’est pour autrui.
(Règle de Saint Benoît 72,7)



La Règle de Saint Benoît…

RB 47,1-4 (La charge d'annoncer l'Œuvre de Dieu)

¹La charge d'annoncer l'heure de l'Œuvre de Dieu, aussi bien le jour que la nuit, incombe à l'abbé. Il l'exercera lui-même, ou la confiera à un frère si ponctuel que l'office se fasse toujours aux heures prescrites. ²Ceux qui en auront reçu l'ordre, entonneront psaumes et antiennes, à leur rang, après l'abbé. ³Personne n'aura la présomption de chanter ou de lire s'il ne peut s'acquitter de cette fonction de manière à édifier les assistants. Celui qui en aura reçu l'ordre de l'abbé le fera avec humilité, gravité et profond respect.

… pour chaque jour

La légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la rumeur des cloches d’un monastère à l’heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d’herbe, dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer lentement les volets le soir, dans une fine touche de bleu, bleu pale, bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire, dans le bruit des châtaignes explosant au sol et dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé, j’arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée. Et si en même temps, elle est rare, d’une rareté incroyable, c’est qu’il nous manque l’art de recevoir, simplement recevoir ce qui nous est partout donné. 

(CHRISTIAN BOBIN, Extrait de : La folle allure)










 26 juillet

S’obéir à l’envie.
(Règle de Saint Benoît 72,6)



La Règle de Saint Benoît…

RB 46,1-6 (Ceux qui font des fautes en quelque autre chose)

¹Lorsqu'un moine dans un travail quelconque à la cuisine, au cellier, dans un service, à la boulangerie, au jardin, dans l'exercice d'un métier, ou en quelque lieu que ce soit, fait une faute, ²brise ou perd quelque chose, ou commet un autre délit, ³il ira aussitôt s'en accuser spontanément devant l'abbé et la communauté. S'il ne le fait pas et que son manquement soit connu par un autre, il subira une peine plus sévère. Mais s'il s'agit d'un péché secret de l'âme, il le manifestera seulement à son abbé ou aux pères spirituels, qui sachent guérir et leurs propres plaies et celles des autres sans les découvrir ni les divulguer.

… pour chaque jour

L’humilité se situe aux antipodes de la mauvaise culpabilité qui suppose un repli sur soi. Le coupable se mesure à un idéal qu’il s’est fixé ou que les autres lui ont imposé. L’humilité, elle, naît du regard jeté sur Dieu, non un Dieu qui juge à l’aune d’un règlement, mais le Dieu de l’Alliance, qui aime, attend, désire et pardonne toujours. L’humble ne compte pas ses fautes, il implore et reçoit la miséricorde de Dieu, à condition, bien sûr, qu’il s’accepte fautif et se déclare tel. Le disciple de saint Benoît n’attend pas que Dieu le confirme dans la justice qu’il se donne à lui-même, mais il espère être justifié par son pardon.
Reconnaître ses fautes par devers soi, intérieurement, même devant Dieu, ne coûte pas très cher. La vraie humilité appelle cette reconnaissance également devant les autres. Elle interdit de chercher à camoufler sa faiblesse, de faire semblant. Elle demande une mise à découvert qui exige toujours l’ouverture à l’Autre : à Dieu, aux autres, par un autre, la communauté ou l’abbé. Cette mise à découvert constitue, selon le chapitre 7 de la Règle, un principe essentiel de la vie spirituelle. Il repose sur la « crainte de Dieu », la conscience de son regard d’amour, et s’applique à tous les niveaux de la vie commune, extérieur autant qu’intérieur. 

(Extrait de : Sœur LOYSE MORARD osb, « LES DÉFIS DU QUOTIDIEN, ‘Que les moines soient toujours prêts’ – ‘Que tout soit commun à tous’», Regard sur la Règle de saint Benoît n° 8, Saint-Léger éditions, 2017, p. 132-133)









 25 juillet

S’honorer mutuellement avec prévenance.
(Règle de Saint Benoît 72,4)



La Règle de Saint Benoît…

RB 45,1-3 (Ceux qui se trompent à l'oratoire)

¹Lorsque quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, s'il ne s'en humilie point sur place, devant tout le monde, en faisant satisfaction, il sera soumis à une correction plus sévère: ²c'est qu'en effet il n'a pas voulu corriger par un acte d'humilité la faute qu'il a commise par sa négligence. ³Les enfants, pour ces sortes de fautes, seront battus de verges.


… pour chaque jour

À l’oratoire, en particulier, où tout est saint, où l’œuvre accomplie est d’une importance souveraine, où la routine, la lâcheté, la somnolence sont toujours à craindre, chaque manquement réclame une expiation immédiate et proportionnée à sa gravité. Quiconque, dit la Règle, se trompe en donnant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, doit satisfaction. Cette erreur peut être une faute de prononciation qui fait dire un mot pour un autre ou défigurer un mot, ou bien une faute de chant, ou bien l’intonation d’une formule liturgique qui n’est pas celle que réclament les rubriques : saint Benoît ne spécifie pas et emploie l’expression générale : dum pronuntiat. Il ne dit pas davantage en quoi consiste la satisfaction exigée. Mais nous pouvons supposer avec vraisemblance que dans sa pensée il s’agit de l’humiliation que s’impose à lui-même le délinquant, en s’agenouillant ou en se prosternant à sa place, sous les yeux de tous.
(…)
Il n’est pas nécessaire, pour que la satisfaction soit due, que notre faute ait provoqué un désordre appréciable ou bien un peu de cacophonie, ni même que le voisin s’en soit aperçu. Ce n’est pas une question d’esthétique générale, mais bien d’équité religieuse.
(…)
Toute la physionomie de notre religion dépend de l’idée que nous avons de Dieu et de l’attitude que cette idée nous fait prendre en face de lui. Dieu, dans la loi nouvelle, ne nous a pas écrasés sous un fardeau de prescriptions rituelles multiples, parce qu’il a cru que la charité suffirait à régler notre attitude devant sa Beauté. 

(Dom PAUL DELATTE osb, Commentaire sur la Règle de Saint Benoît, Solesmes, Plon-Nourrit et Cie – G. Oudin et Cie, Paris, 1913, p. 338-339)



 






 24 juillet

Il est un mauvais zèle, un zèle amer,
qui sépare de Dieu et mène à l’enfer.
De même, il est un bon zèle
qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle.
C’est ce zèle que les moines pratiqueront
avec un très ardent amour.
(Règle de Saint Benoît 72,1-3)



La Règle de Saint Benoît…

RB 44,1-10 (Comment les excommuniés font satisfaction)

¹Celui qui, pour faute grave, aura été excommunié de l'oratoire et de la table commune, demeurera prosterné, devant la porte de l'oratoire, pendant qu'on y célèbrera l'Œuvre de Dieu, et ne dira mot ; ²mais il se tiendra le visage contre terre et le corps étendu, aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire. ³Il continuera cette pratique jusqu'à ce que l'abbé juge la satisfaction suffisante. Et lorsque l'abbé le lui aura commandé, il viendra se jeter à ses pieds et à ceux de tous les frères, afin qu'ils prient pour lui. Alors, si l'abbé l'ordonne, il sera reçu au chœur et occupera le rang que l'abbé aura déterminé. Il ne lui sera cependant pas permis, sans un nouvel ordre de l'abbé, ni d'entonner un psaume, ni de lire une leçon ou quoi que ce soit. De plus, à toutes les Heures, au moment où s'achève l'Œuvre de Dieu, il se prosternera à terre, à la place qu'il occupe, et fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé lui ordonne de cesser. Ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, satisferont dans l'oratoire; ils le feront jusqu'à ce que l'abbé les en dispense, ¹⁰en leur donnant sa bénédiction, et en disant : ‘Cela suffit.’

… pour chaque jour

[…] le rôle exclusif attribué à l’abbé. Lui seul décide de la durée de chacune des étapes de la satisfaction. À sept reprises, on le voit intervenir pour donner ordre au fautif de se relever, venir vers lui et vers les frères, être reçu dans le chœur, occuper telle place, se remettre à entonner ou à lire, et enfin se relever de la dernière prosternation. La réintégration est lente et progressive, et l’abbé, unique juge de son rythme. On pourrait craindre ici, de sa part, l’exercice d’un pouvoir arbitraire ou vengeur, si l’on ne savait, par ailleurs, le rôle pastoral et médical que saint Benoît lui attribue envers les frères fautifs, jusqu’à leur pleine réconciliation. Le supérieur n’est pas un maître de discipline, gardien d’un ordre extérieur fixé d’avance. La modalité exacte de la satisfaction n’est précisément pas déterminée a priori. Son rythme reste souple, adapté au besoin de l’intéressé ou de la communauté. L’abbé doit se comporter plutôt en maître de charité. S’il est seul juge de la manière d’appliquer la satisfaction, c’est parce qu’il est appelé à connaître et à respecter chaque personne dans sa différence. Ainsi peut-il construire, et toujours reconstruire, sa communauté. 

(Extrait de : Sœur LOYSE MORARD osb, « LES DÉFIS DU QUOTIDIEN, ‘Que les moines soient toujours prêts’ – ‘Que tout soit commun à tous’», Regard sur la Règle de saint Benoît n° 8, Saint-Léger éditions, 2017, p. 123-124)









 23 juillet

S’empresser de donner réponse avec une charité fervente.
(Règle de Saint Benoît 66,4)



La Règle de Saint Benoît…

RB 43,13-19 (Ceux qui arrivent en retard à l'Œuvre de Dieu ou à la table)

¹³À la table, celui qui n'arrivera pas avant le verset, de façon que les frères puissent le réciter tous ensemble avec la prière et se mettre à table en même temps : ¹⁴si c'est par négligence ou par sa faute qu'il n'est pas arrivé à temps, il sera repris jusqu'à deux fois. ¹⁵Si ensuite il ne s'amende pas, il ne pourra plus participer à la table commune, ¹⁶mais il prendra son repas tout seul, séparé de la compagnie de ses frères et privé de sa portion de vin, jusqu'à ce qu'il ait satisfait et qu'il se soit corrigé. ¹⁷On traitera de la même manière celui qui ne se trouvera pas au verset qu'on dit après le repas. ¹⁸Nul ne se permettra de manger ou de boire quoi que ce soit, avant ou après l'heure fixée pour le repas. ¹⁹S'il arrive que le supérieur offre quelque chose à un frère et que celui-ci ne l'accepte pas, lorsqu'il viendra à désirer ce qu'il avait d'abord refusé ou quelque autre chose, on ne lui accordera absolument rien jusqu'à ce qu'il ait fait une satisfaction convenable.

… pour chaque jour

Le message est clair : ne rien préférer à l’Opus Dei, qui est une façon de ne rien préférer au Christ, implique un grand respect de la communauté en qui le Christ est présent. Arriver en retard par négligence est un manque à l’égard de la communauté aussi bien qu’à l’égard du Christ. 
Dans la deuxième partie du chapitre, Benoît applique le même raisonnement et les mêmes sanctions aux retards au repas.  Cela se comprend du fait qu’il y a pour Benoît un lien très étroit entre les repas communautaires, qui sont une forme de liturgie et l’Office divin. Dans un cas comme dans l’autre le respect du Christ implique un respect de la communauté. 
Et finalement Benoît ajoute quelques lignes sur l’importance de ne pas manger entre les repas – à moins, bien sûr, de raison médicale.  C’est une recommandation qu’on retrouve dans toute la littérature monastique.  Le contexte où cela se retrouve chez Benoît montre bien que, pour lui, il ne s’agit pas simplement d’une question de jeûne ou d’ascèse. Il s’agit là aussi d’une préoccupation communautaire.  Le repas est une prolongation de l’Eucharistie. Ayant abandonné toute possession privée par le vœu de pauvreté, nous n’avons pas de nourriture privée. C’est dans un repas commun que nous recevons la nourriture qui nous est donnée par la communauté et que nous consommons en commun. Mais il y a aussi, évidemment une dimension ascétique. Pour être sûr de ne rien préférer à l’amour du Christ, il est important de ne pas céder constamment à tous nos désirs naturels, et donc de ne pas, par exemple, grignoter quelque chose dès que nous sentons ou bien de la faim, ou bien simplement un goût de nourriture.  C’est là une autre question sur laquelle il faudra revenir. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso, Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 18 décembre 2011)