1 septembre

Tenons-nous pour psalmodier de manière
que notre esprit soit en accord avec notre voix.
(Règle de Saint Benoît 19,7)



La Règle de Saint Benoît…

RB Prologue 1-7

¹Écoute, mon fils, les préceptes du Maître et prête l'oreille de ton cœur. Reçois volontiers l'enseignement d'un si bon père et mets-le en pratique, ²afin de retourner par l'exercice de l'obéissance à celui dont t'avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. ³C'est à toi donc maintenant que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l'obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. Avant tout, demande-lui par une très instante prière qu'il mène à bonne fin tout bien que tu entreprennes; ainsi, après avoir daigné nous admettre au nombre de ses enfants, il n'aura pas sujet, un jour, de s'affliger de notre mauvaise conduite. Car, en tout temps, il faut avoir un tel soin d'employer à son service les biens qu'il a mis en nous, que non seulement il n'ait pas lieu, comme un père offensé, de priver ses fils de leur héritage, mais encore qu'il ne soit pas obligé, comme un maître redoutable et irrité de nos méfaits, de nous livrer à la punition éternelle, tels de très mauvais serviteurs qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.


… pour chaque jour

« Venez, adorons », dit le psaume. Ce qui suit, frères, peut faire penser aux ignorants que le prophète ne se souvient plus de sa grande joie. Ceux qu’il avait invités à se réjouir, bientôt après il les excite à pleurer ! « Venez, adorons, prosternons-nous devant lui, pleurons en présence du Seigneur qui nous a faits. » Il avait dit : « Venez, exultons ». Ici assurément le prophète désire que nous versions avec lui des larmes de joie. Les larmes en effet sont produites aussi bien par la joie que par une grande douleur. Dans tous les cas, elles rendent visible le sentiment caché du cœur et en sont le témoignage. Ce Dieu, devant qui on se jetait à terre quand il avait l’aspect de la pierre et du bois, veut que nous l’adorions, maintenant que nous le connaissons comme Dieu, que nous nous prosternions, que nous compensions par des larmes et un service ininterrompu de notre piété notre trop longue et persistante négligence. Le psalmiste pleure en repentir du passé, il se réjouit du présent, il se trouble et redoute l’avenir. J’ai dit qu’il le redoute pare que je sais, moi qui jusqu’à présent suit dans les limites de mon corps, qu’il a chanté des sentiments de ce genre. Lui-même atteste ailleurs que dans son bonheur il verse des larmes de joie : « Celui qui sème dans les larmes moissonnera dans la joie » (Ps 125,5). Que ces pleurs soient l’expression d’une joie parfaite, il le fait voir par ces mots : « Venez, adorons, prosternons-nous devant lui : pleurons en présence du Seigneur qui nous a faits. » Et comme si on lui avait demandé : pourquoi ? il fournit des raisons, il met la cause en évidence : « Car c’est lui qui est notre Dieu, nous sommes le peuple de son pâturage et les brebis que sa main conduit. » Autant la joie prouve la piété, autant la tristesse révèle l’ingratitude. Écoutons maintenant ses avertissements avec plus d’attention encore (Ps 94,8-11). […] Lorsqu’il dit : « aujourd’hui », cela te concerne, c’est à toi que cette parole est adressée, qui que tu sois qui m’écoute.
 
(SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE [°406 – 〸450], Sermon 46 sur le Psaume 94 [PL 52,328-330, CC 24, p.255-259], dans : Les Psaumes commentés par les Pères, Textes traduits, notes et tables par Sœur Baptista Landry osb, Introduction, choix et conseils de travail par A.-G. Hamman, Collection « Les Pères dans la foi », DDB, 1983, p. 258-259)









 31 août

Les offices des Laudes et des Vêpres
ne devront jamais se conclure sans que le supérieur dise,
en dernier lieu, en entier, et au milieu de l’attention générale, 
l’oraison dominicale,
à cause des épines de querelles
qui ont accoutumé de se produire.
(Règle de Saint Benoît 13,12)



La Règle de Saint Benoît…

RB 73,1-9 (Toute la pratique de la justice n'est pas contenue dans cette règle)

¹Cette Règle, que nous venons d'écrire, il suffira de l'observer dans les monastères pour faire preuve d'une certaine rectitude morale et d'un commencement de vie monastique. ²Quant à celui qui aspire à la vie parfaite, il a les enseignements des saints Pères, dont la pratique amène l'homme jusqu'aux sommets de la perfection. ³Est-il, en effet, une page, est-il une parole d'autorité divine, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une règle toute droite pour la conduite de notre vie ? Ou encore, quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? Et de même, les Conférences des Pères, leurs Institutions et leurs Vies ainsi que la Règle de notre Père saint Basile, sont-elles autre chose que des instruments de vertus pour moines vraiment bons et obéissants ? Il y a là pour nous, relâchés, inobservants et négligents, de quoi rougir de confusion. Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l'aide du Christ, cette toute petite Règle, écrite pour les débutants. Cela fait, tu parviendras avec la protection de Dieu, aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus, que nous venons de rappeler. Amen.

… pour chaque jour

Les vagues sont violentes, la houle est terrible, mais nous ne craignons pas d'être engloutis par la mer, car nous sommes debout sur le roc. Que la mer soit furieuse, elle ne peut briser ce roc ; que les flots se soulèvent, ils sont incapables d'engloutir la barque de Jésus. Que craindrions-nous ? Dites-le-moi. La mort ? Pour moi, vivre, c'est le Christ, et mourir est un avantage. L'exil ? La terre appartient au Seigneur, avec tout ce qui la remplit. La confiscation des biens ? De même que nous n'avons rien apporté dans ce monde, nous ne pourrons rien emporter. Les menaces du monde, je les méprise ; ses faveurs, je m'en moque. Je ne crains pas la pauvreté, je ne désire pas la richesse ; je ne crains pas la mort, je ne désire pas vivre, sinon pour vous faire progresser. C'est à cause de cela que je vous avertis de ce qui se passe, et j'exhorte votre charité à la confiance.
N'entendez-vous pas cette parole du Seigneur : Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux ? Et là où un peuple aussi nombreux est uni par le lien de la charité, le Seigneur ne sera pas présent ? J'ai sa garantie : est-ce à ma propre force que je fais confiance ? Je possède sa parole : voilà mon appui, voilà ma sécurité, voilà mon havre de paix. Que l'univers se soulève, je possède cette parole, j'en lis le texte : voilà mon rempart, voilà ma sécurité. Quel texte ? Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.
Le Christ est avec moi : que vais-je craindre ? Même si les flots de la mer ou la colère des puissants s'élèvent contre moi, tout cela est aussi peu de chose pour moi qu'une toile d'araignée. Et sans l'amour que j'ai pour vous, je n'aurais pas refusé de partir aujourd'hui même. Car je ne cesse de dire : Seigneur, que ta volonté soit faite. Non pas ce que veut un tel ou un tel, mais ce que tu veux. C'est là ma citadelle, c'est là mon roc inébranlable, c'est là mon appui solide. Que la volonté de Dieu se fasse. S'il veut que je reste ici, je rends grâce. Quel que soit le lieu où il me veuille, je le bénis.
En quelque lieu que je sois, vous y êtes aussi : le corps ne se sépare pas de la tête, ni la tête du corps. Si nous sommes éloignés par la distance, nous sommes unis par la charité et la mort elle-même ne pourra couper ce lien. Si mon corps vient à mourir, mon âme restera vivante et se souviendra de mon peuple.
Vous êtes mes concitoyens, vous êtes mes pères, vous êtes mes frères, vous êtes mes enfants, vous êtes mes membres, vous êtes mon corps, vous êtes ma lumière, et même vous êtes plus doux pour moi que la lumière. En effet, la lumière du soleil ne m'apporte rien de comparable à ce que m'apporte votre charité. Le soleil m'est utile à présent, mais votre charité me prépare une couronne pour l'avenir. 

(SAINT JEAN CHRYSOSTOME [°v.349 – 〸407], Homélie avant son départ en exil – en 401)









 30 août

L’homme estimera que Dieu, du haut du ciel,
le regarde à tout moment.
(Règle de Saint Benoît 7,13)



La Règle de Saint Benoît…

RB 72,1-12 (Le bon zèle que doivent avoir les moines)

¹Il est un mauvais zèle, un zèle amer, qui sépare de Dieu et mène à l'enfer. ²De même, il est un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. ³C'est ce zèle que les moines pratiqueront avec un très ardent amour : ils s'honoreront mutuellement avec prévenance; ils supporteront avec une très grande patience les infirmités d'autrui, tant physiques que morales ; ils s'obéiront à l'envi ; nul ne recherchera ce qu'il juge utile pour soi, mais bien plutôt ce qui l'est pour autrui ; ils s'accorderont une chaste charité fraternelle ; ils craindront Dieu avec amour ; ¹⁰ils aimeront leur abbé avec une charité sincère et humble ; ¹¹ils ne préfèreront absolument rien au Christ ; ¹²qu'Il nous amène tous ensemble à la vie éternelle !

… pour chaque jour

Il faut donc que les supérieurs se donnent plus de mal que les autres, aient des sentiments plus humbles que leurs subordonnés et qu’ils présentent leur vie à leurs frères comme un modèle d’esclavage en estimant que ce qui leur est confié est un dépôt appartenant à Dieu.
C’est ainsi que vous devez prendre soin de vos frères, comme de bons éducateurs prennent soin des enfants délicats confiés à eux par les parents.
Comportez-vous ainsi entre vous. Que les uns obéissent avec joie aux ordres qu’on leur donne. Que les autres, qui jouent le rôle de maîtres, conduisent volontiers leurs frères à la perfection. Bref, rivalisez de respect les uns pour les autres. Alors vous mènerez sur terre la vie des anges. 

(SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE [°v.335 – v.395])









 29 août

C’est de bon cœur que les disciples doivent obéir
parce que « Dieu aime celui qui donne joyeusement ».
(Règle de Saint Benoît 5,16)



La Règle de Saint Benoît…

RB 71,1-9 (Que les frères s'obéissent mutuellement)

¹Ce n'est pas seulement à l'abbé que tous les frères doivent rendre le bien de l'obéissance; il faut encore qu'ils s'obéissent les uns aux autres. ²Ils sauront que c'est par cette voie de l'obéissance qu'ils iront à Dieu. ³Plaçant avant tout les ordres de l'abbé et ceux des responsables qu'il a établis - ordres auxquels nous ne permettons pas de préférer les directives d'origine privée - tous les jeunes obéiront pour le reste à leurs anciens, en toute charité et empressement. S'il se rencontre quelqu'un qui ait l'esprit de contestation, il sera châtié. Lorsqu'un frère est repris par l'abbé ou par un supérieur quelconque en n'importe quelle manière, et pour une cause même de peu d'importance, s'il s'aperçoit alors tant soit peu que l'esprit de ce supérieur est irrité ou ému contre lui, fût-ce légèrement, il se prosternera aussitôt sans tarder par terre, à ses pieds, pour faire satisfaction jusqu'à ce que la bénédiction qu'on lui donnera ait fait connaître que l'émotion est calmée. Si quelqu'un dédaigne d'en agir ainsi, il sera soumis à un châtiment corporel, et, s'il demeure opiniâtre, il sera expulsé du monastère.

… pour chaque jour

LE MONASTÈRE N’EST PAS UNE PYRAMIDE

Très clairement, saint Benoît élargit le terrain de l’obéissance bien au-delà de la seule relation du moine et de l’abbé. Il en fait le lien qui unit les uns aux autres les membres de la communauté. Aujourd’hui, on dirait qu’il ne s’en tient pas à une conception pyramidale de la communauté, c’est-à-dire hiérarchique et verticale. Sans renier l’autorité de l’abbé, il voit aussi les choses de façon plus transversale, un peu sous la forme de réseaux dans la communauté.
Les moines découvrent qu’eux aussi doivent administrer le monastère. Ils doivent réaliser qu’il n’y a pas de monopole d’autorité, qu’ils doivent s’appuyer les uns sur les autres pour apprendre et progresser. Eux aussi auront une influence sur le cours des choses, partiellement sans doute et seulement s’ils s’agrègent intelligemment les uns aux autres. Et non pas dans la dépendance du seul bon vouloir d’une autorité supérieure.
Qui ne voit l’accent particulièrement actuel d’une telle vision des choses ? Bien plus, d’une telle vision des hommes, des moines. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 28 août

L’atelier où nous devons travailler
diligemment avec tous ces instruments,
c’est le cloître du monastère
avec la stabilité dans la communauté.
(Règle de Saint Benoît 4,78)



La Règle de Saint Benoît…

RB 70,1-7 (Que nul ne se permette de frapper à tout propos)

¹Il faut éviter dans le monastère toute occasion de présomption ; ²aussi ordonnons-nous qu'il ne sera permis à personne d'excommunier ou de frapper l'un de ses frères, à moins qu'il n'en ait reçu pouvoir de l'abbé. ³Ceux qui commettront des fautes seront repris devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. Les enfants, jusqu'à l'âge de quinze ans, seront sous la garde et la surveillance de tous les frères ; mais cette vigilance s'exercera avec mesure et intelligence. Quant à celui qui se permettrait, sans l'ordre de l'abbé, de réprimander de façon quelconque des frères plus âgés, ou qui s'emporterait contre des enfants sans discrétion, il serait soumis à la discipline régulière, car il est écrit: « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. »

… pour chaque jour

Il y a une grande différence entre un simple péché de colère, et la cruauté qui fait le fond de la haine. Ainsi nous nous mettons en colère contre nos propres enfants, mais qui de nous a de la haine contre eux ?
La haine est plus funeste à celui qui la nourrit dans son cœur, qu’à celui qui en est l’objet. La colère est si peu un signe de haine, que quelquefois, c’est une preuve de haine de ne pas se mettre en colère. Supposez un enfant qui veut jouer sur les eaux d’un fleuve dont le courant rapide le fera certainement périr. Vous le voyez et vous le laissez faire, c’est de la haine ; votre silence est pour lui une cause de mort. Ne vaudrait-il pas mieux vous mettre en colère et le corriger que de le laisser périr par une coupable indulgence ? Il faut donc avant tout éviter la haine, il faut ôter la poutre de l’œil. Il y a une grande différence entre celui qui, sous l’émotion de la colère, se laisse aller à quelques excès de paroles qu’il efface ensuite par un repentir sincère, et celui qui tient renfermés dans son cœur de pernicieux desseins. Il y a enfin une grande différence entre ces paroles de l’Écriture : « Mes yeux sont obscurcis par la colère » (Ps 6,8) et ces autres : « Celui qui hait son frère est un homicide » (1 Jn 3,15). Il y a une grande différence entre l’œil qui est simplement obscurci et l’œil éteint. Le fétu l’obscurcit, la poutre l’éteint complètement. La haine, ce sont donc les ténèbres (…).
Dans quelles dispositions doit-on reprendre son frère ? Nous devons reprendre nos frères par amour, non par désir de leur nuire, mais par un zèle qui veut leur amendement. Si tels sont nos sentiments, nous pratiquons fidèlement cette recommandation qui nous a été faite aujourd’hui : « Si votre frère a péché contre vous, allez et reprenez-le entre vous et lui seul » (Mt 18,15). Or, pourquoi le reprenez-vous ? Est-ce parce que vous êtes mécontent qu’il vous ait offensé ? À Dieu ne plaise ! Si vous faites cette réprimande par amour pour vous, vous ne faites rien. Si vous la faites par amour pour lui, rien de mieux. Examinez d’ailleurs dans les paroles du Sauveur sous quelle impulsion vous devez agir. Est-ce par amour pour vous, est-ce par amour pour lui ? « S’il vous écoute, ajoute le Sauveur, vous aurez gagné votre frère ». Agissez donc dans l’intention de le gagner. Mais si vous le gagnez par une sage réprimande, sans elle il était donc perdu ? 

(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE [°354 – 430], Sermon 82, ch. 2-11, n3-14, cité dans : HILDEMAR DE CORBIE, Commentaire de la Règle de saint Benoît, Traduction française de Sœur Michèle-Marie Caillard osb d’après le texte latin édité par le Père Rupert Mittermüller osb, Préface par le Père Jean-Pierre Longeat osb, abbé émérite de Ligugé, Saint-Léger Éditions, 2015, p. 699-700)









 27 août

Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
(Règle de Saint Benoît 4,74)



La Règle de Saint Benoît…

RB 69,1-4 (Que nul dans le monastère ne se permette d'en défendre un autre)

¹Il faut veiller à ce que personne, en aucune circonstance, dans le monastère, ne se permette de défendre un autre moine, ou de lui servir comme de protecteur, ²et cela, quel que soit le degré de parenté qui les unisse. ³Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car il peut en résulter de très graves occasions de conflits. Si quelqu'un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.

… pour chaque jour

PAS DE LIEN PRIVILÉGIÉ AU MONASTÈRE 

De façon très voilée, saint Benoît laisse entrevoir ici un des ressorts profonds de la vie en communauté. En disant ce qui ne peut pas être, il oblige à poursuivre la réflexion et conduit ainsi à la racine la plus authentique.
Nul ne se permettra d’en défendre un autre. La défense des intérêts, des avantages, des privilèges, relève de la conviction d’appartenir à un groupe. Le moteur n’est pas ici l’amour de la personne en tant que telle, mais en tant qu’elle fait partie d’un groupe (parenté, famille,…). En refusant une telle attitude, saint Benoît laisse entendre, discrètement, mais à qui veut bien l’entendre, que sa communauté n’est pas fondée sur un tel lien d’appartenance.
Si un frère doit être aimé, c’est pour lui-même, pour sa véritable identité, non pour son seul statut de membre du groupe. S’il arrivait qu’un frère doive être défendu, ce ne pourrait être que pour sauvegarder sa personne. Une telle défense suppose tout, sauf la violence, sauf le souci des seuls intérêts d’un groupe, quel qu’il soit. S’il arrivait qu’un frère doive être défendu, ce ne pourrait être que par amour. 

(P. NICOLAS DAYEZ osb [°1937 – 2021], Commentaire de la Règle de Saint Benoît, Maredsous)









 26 août

Se réconcilier avant le coucher de soleil,
avec qui on est en discorde.
(Règle de Saint Benoît 4,73)



La Règle de Saint Benoît…

RB 68,1-5 (Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles)

¹Si l'on enjoint à un frère des choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance le commandement qui lui est fait. ²Cependant, s'il estime que le poids du fardeau dépasse entièrement la mesure de ses forces, il représentera au supérieur les raisons de son impuissance, avec patience et à propos, ³sans témoigner ni orgueil, ni résistance, ni contradiction. Que si après cette représentation le supérieur maintenait son ordre, l'inférieur se persuadera que la chose lui est avantageuse, et il obéira par amour, en mettant sa confiance dans l'aide de Dieu.

… pour chaque jour


Même si vous ne pouvez dire à Dieu que ces deux mots : « À l’aide ! », c’est déjà très bien. Dites-le et redites-le encore, jusqu’à ce que Dieu ouvre vos lèvres et que les mots commencent à s’échapper de votre cœur.

    (Rabbi Nahman de Bratslav [°1772 – 1810]) 

(PRÉCEPTES DE VIE ISSUS DE LA SAGESSE JUIVE, Rassemblés et présentés par Pierre Itshak Lurçat, Presses du Châtelet, 2001, p.83)










 25 août

Ne pas vouloir être appelé saint avant de l’être,
mais le devenir d’abord,
alors on le sera appelé avec plus de vérité. 
(Règle de Saint Benoît 4,62)



La Règle de Saint Benoît…

RB 67,1-7 (Des frères que l'on envoie en voyage)

¹Les frères qui doivent aller en voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l'abbé. ²Après la dernière oraison de l'Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents. ³En rentrant de voyage, le jour même de leur retour, les frères se prosterneront à terre dans l'oratoire à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'Œuvre de Dieu. Ils demanderont les prières de tous, à cause des écarts qu'ils auraient pu commettre en voyage, par leurs regards, ou en écoutant de mauvaises choses ou de vains propos. Personne ne se permettra de rapporter sans discernement à autrui ce qu'il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela produit de très grands dégâts. Celui qui oserait le faire sera soumis à la correction régulière. De même celui qui se permettrait de sortir de l’enceinte du monastère, ou d'aller n'importe où, ou de faire quoi que ce soit, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

… pour chaque jour

De nos jours les occasions où il est nécessaire aux moines de sortir sont certainement plus nombreuses que du temps de Benoît.  Si isolé soit-il, le monastère vit toujours en étroite relation avec l’Église et la société civile environnante.  Il y a tout d’abord toute les obligations de sortir pour les exigences de l’administration aussi bien matérielle que spirituelle.  Il y a ensuite les contacts avec les autres organismes ecclésiastiques et civils.  Puis il y a éventuellement des motifs de santé, d’étude, de devoirs envers la famille.  C’est pourquoi on ne fait plus dans la plupart des monastères cette demande solennelle de prière avant chaque absence;  mais la mention des « frères absents » à la fin de chaque Office nous rappelle de garder présents dans notre prière tous les frères qui se trouvent présentement à l’extérieur.
Comme le dit Jésus dans l’Évangile, c’est du cœur de l’être humain que sortent toutes les choses bonnes ou mauvaises.  Le moine est soucieux de garder la pureté de son cœur, c’est-à-dire de garder son cœur non divisé mais totalement orienté vers son but. Il ne faut pas voir dans ce chapitre une mise en garde « contre les dangers du monde », mais plutôt une mise en garde contre le danger d’oublier cette orientation en quittant un contexte de vie qui a tout été conçu pour la garder vive.
Pour la personne du monde, son milieu professionnel, familial et social est le lieu de sa recherche et de sa rencontre de Dieu.  Pour le moine, le lieu de sa rencontre de Dieu est normalement le monastère.  Chaque fois qu’il sera appelé à en sortir, il devra être attentif à conserver son orientation fondamentale sans se laisser distraire dans des directions multiples.  Un moine peut être appelé, soit pour le service de sa communauté, soit pour rendre des services à l’extérieur au nom de sa communauté, à exercer diverses activités soit au sein du monastère soit à l’extérieur.  Tout cela peut être vécu dans une réelle unité intérieure.  Par ailleurs toute recherche de « distractions » comme telles serait un renoncement à ce qui fait l’essentiel de sa vie. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 13 janvier 2002)














 24 août

S’appliquer fréquemment à la prière.
(Règle de Saint Benoît 4,56)



La Règle de Saint Benoît…

RB 66,1-8 (Les portiers du monastère)

¹À la porte du monastère on placera un sage vieillard, qui sache recevoir et rendre un message, et dont la maturité le préserve de toute oisiveté. ²Le portier devra avoir sa cellule près de la porte, afin que ceux qui viennent trouvent toujours à qui parler. ³Et aussitôt qu'on aura frappé ou qu'un pauvre aura appelé, il répondra Deo gratias ou Benedic. Puis, avec toute la mansuétude que donne la crainte de Dieu, il s'empressera de donner réponse avec une charité fervente. Si le portier a besoin d'aide, on lui donnera un frère plus jeune. Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire: de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes. Et nous voulons que cette Règle soit lue souvent en communauté afin qu'aucun frère ne s'excuse sous prétexte d'ignorance.

… pour chaque jour

Abba Daniel racontait à son sujet que jamais il ne voulait parler sur un passage de l’Écriture, quoiqu’il eût pu parler s’il l’avait voulu ; il n’écrivait pas non plus volontiers une lettre. Quand il venait à l’église de temps en temps, il se tenait derrière un pilier, afin que personne ne vît son visage et que lui-même n’en regardât un autre. Il avait l’aspect d’un ange comme Jacob ; ses cheveux étaient tout blancs, son corps avait de la grâce mais il était desséché ; une grande barbe lui arrivait à la ceinture. À force de pleurer, les cils de ses yeux étaient tombés. Il était grand, mais courbé de vieillesse il vécut en effet quatre-vingt-quinze ans. Il avait passé quarante ans au palais de Théodose le Grand, de divine mémoire, père des divins Arcadius et Honorius ; puis il vécut quarante ans à Scété, dix ans à Troé, au-dessus de Babylone, en face de Memphis, et trois ans à Canope d’Alexandrie. Les deux dernières années, il revint à Troé où il mourut, achevant sa course dans la paix et la crainte de Dieu. C’était en effet un homme bon, « rempli d’Esprit-Saint et de foi » (Ac 11,24). Il m’a laissé sa tunique de peau, son cilice blanc et ses sandales en feuilles de palmiers. Et moi, indigne, je les porte pour en recevoir bénédiction. 

(APOPHTEGMES [IVème – Vème siècle], Arsène 42, dans : Sagesse du désert – 365 textes des Pères du désert rassemblés par le Père Benoît Standaert osb, Éditions de Solesmes, 2005, p. 155-156)









 23 août

Entendre volontiers les saintes lectures.
(Règle de Saint Benoît 4,55)



La Règle de Saint Benoît…

RB 65,11-22 (Le prieur du monastère)

¹¹C'est pourquoi nous jugeons que, pour conserver la paix et la charité, il faut que le gouvernement de son monastère dépende entièrement de l'abbé. ¹²Si faire se peut, toute la marche du monastère sera assurée par des doyens, et cela selon les ordres de l'abbé, comme nous l'avons déjà dit. ¹³Les charges étant confiées à plusieurs, un seul n'aura pas l'occasion de s'enorgueillir. ¹⁴Si toutefois le lieu rend un prieur désirable, ou si la communauté le demande pour un juste motif, et avec humilité, si l'abbé enfin le juge à propos, ¹⁵c'est ce dernier qui établira lui-même pour prieur celui qu'il aura choisi avec le conseil des frères craignant Dieu. ¹⁶Le prieur exécutera avec respect tout ce que son abbé lui prescrira, sans jamais contrevenir à sa volonté et à ses ordres. ¹⁷Car, plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit observer consciencieusement les préceptes de la Règle. ¹⁸Si ce prieur tombait dans quelque dérèglement, s'enflait d'orgueil, ou était convaincu de mépris pour la sainte Règle, on l'en reprendrait jusqu'à quatre fois. ¹⁹S'il ne s'amendait pas, on lui ferait subir la correction de la discipline régulière. ²⁰Si par ces moyens il ne se corrigeait pas encore, on le déposerait de son rang de prieur, et on mettrait à sa place un autre qui en fût digne. ²¹Enfin, si après tout cela, il ne se montrait pas tranquille et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère. ²²Que l'abbé songe cependant qu'il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que le feu de l'envie ou de la jalousie ne vienne à brûler son âme.

… pour chaque jour

Le désir du pouvoir est une tentation innée de la nature humaine. Nous voyons, dans l’Évangile, les Apôtres discuter pour savoir qui sera le plus grand dans le royaume du Christ. Et les Lettres de Paul aux diverses Églises, en particulier celles aux Corinthiens, aux Romains et aux Galates, doivent sans cesse gérer des crises de pouvoir et des conflits d’autorité. Il n’est donc pas surprenant que la même chose puisse se produire au sein d’une communauté monastique. Benoît veut tout faire pour l’éviter. C’est pourquoi, il préfère de beaucoup le système de doyens, qui, toutefois, n’a pas eu de grands succès dans la tradition monastique après lui. Il accepte cependant que l’abbé soit secondé par un prieur – ce qui deviendra la pratique commune du monachisme bénédictin – mais à la condition que ce prieur soit choisi par l’abbé lui-même avec le conseil de frères craignant Dieu.
Dans ce long chapitre Benoît donne des recommandations au prieur sur la façon d’exercer son rôle dans l’obéissance et l’humilité, mais il ne manque pas de terminer en mettant l’abbé lui-même en garde contre la tentation de jalousie et d’envie.
Ce chapitre pourrait avoir pour titre : « L’unité de la communauté » ; car c’est de cela qu’il s’agit ici. Et c’est vraiment essentiel, car il n’y a pas de vraie communauté sans unité – une unité qui est toujours à construire et à préserver. La crainte fondamentale que Benoît exprime dans ce chapitre, c’est que des groupes se forment dans la communauté. Et de fait, lorsque cela arrive dans une communauté, il n’y a plus rien qui fonctionne et la qualité de la vie spirituelle s’en ressent beaucoup. Le modèle de la communauté demeure toujours celui de la communauté primitive de Jérusalem, où la multitude des frères et des sœurs n’avait qu’un cœur et une âme. Il s’agit d’une unité faite de diversité, et non pas par la négation des caractéristiques et des dons propres à chacun. 

(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 20 janvier 2013)