RB 64,7-22 (L'institution de l'abbé)
⁷L'abbé, une fois
établi, pensera sans cesse à la nature du fardeau qu'il a reçu, et à Celui à
qui il devra rendre compte de son administration. ⁸Qu'il sache qu'il lui faut
aider bien plus que régir. ⁹Il doit donc être docte dans la loi divine, afin de
savoir et d'avoir où puiser les leçons anciennes et nouvelles. Qu'il soit
chaste, sobre, miséricordieux ; ¹⁰que toujours il préfère la miséricorde à la
justice, afin d'obtenir pour lui-même un traitement semblable. ¹¹Qu'il haïsse
les vices, mais qu'il aime les frères. ¹²Dans la correction même, il agira
avec prudence et sans excès, de crainte qu'en voulant trop racler la rouille,
il ne brise le vase. ¹³Il aura toujours devant les yeux sa propre faiblesse,
et se souviendra qu'il ne faut pas broyer le roseau déjà éclaté. ¹⁴Et par là
nous n'entendons pas qu'il puisse laisser les vices se fortifier, mais qu'il
les détruise avec prudence et charité, en adaptant les moyens à chaque
caractère, comme nous l'avons déjà expliqué. ¹⁵Il s'efforcera plus à se faire
aimer qu'à se faire craindre. ¹⁶Qu'il ne soit ni turbulent, ni inquiet; qu'il
ne soit ni excessif, ni opiniâtre; qu'il ne soit ni jaloux, ni trop
soupçonneux; sinon, il n'aura jamais de repos. ¹⁷Dans ses commandements, il
sera prévoyant et circonspect. Dans les tâches qu'il distribuera, soit qu'il
s'agisse des choses de Dieu, soit de celles du monde, il se conduira avec
discernement et modération, ¹⁸et se rappellera la discrétion du saint
patriarche Jacob, qui disait: « Si je fatigue mes troupeaux en les faisant
trop marcher, ils périront tous en un jour. » ¹⁹Imitant donc cet exemple
et d'autres semblables de la discrétion, cette mère des vertus, qu'il tempère
tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage et que les
faibles ne se dérobent pas. ²⁰Par-dessus tout, qu'il observe tous les points
de la présente Règle, ²¹afin qu'après avoir bien servi, il s'entende adresser
par le Seigneur cette parole au bon serviteur qui avait distribué le froment,
en temps opportun, à ses compagnons : ²²« En vérité je vous le dis, le
Maître l'établira sur tous ses biens. »
... pour chaque jour
Heureux les
miséricordieux, dit le Seigneur : ils obtiendront miséricorde! La
miséricorde n'est pas la moindre des béatitudes. Et encore : Heureux qui
comprend le pauvre et le faible. Et aussi : L'homme bon compatit et
partage. Ailleurs encore : Tout le jour le juste a pitié, il prête.
Emparons-nous donc de cette béatitude, sachons comprendre, soyons bons.
La nuit elle-même ne doit pas arrêter ta miséricorde. Ne dis pas : Reviens
demain matin et je te donnerai. Qu'il n'y ait pas d'intervalle entre le premier
mouvement et le bienfait. La bienfaisance seule n'admet pas de
délai. Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le
malheureux sans abri, et fais-le de bon cœur. Celui qui exerce la
miséricorde, dit saint Paul, qu'il le fasse avec joie. Ton mérite est
doublé par ta promptitude. Le don fait avec chagrin et par contrainte n'a ni
grâce ni éclat. C'est avec un cœur en fête, non en se lamentant, qu’il faut
faire le bien.
Si tu fais disparaître le joug, le geste de menace, dit le Prophète,
c'est-à-dire si tu abandonnes l'avarice, la méfiance, si tu cesses
d'hésiter et de grogner, qu'arrivera-t-il ? Quelque chose de grand et
d'étonnant, une magnifique récompense : Alors ta lumière jaillira comme
l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Et y a-t-il quelqu'un qui ne
désire la lumière et la guérison ?
C'est pourquoi, si vous voulez bien m'en croire, serviteurs du Christ, ses
frères et ses cohéritiers, tant que nous en avons l'occasion, visitons le
Christ, nourrissons le Christ, habillons le Christ, recueillons le Christ,
honorons le Christ. Non seulement en l'invitant à table, comme quelques-uns
l'ont fait, ou en le couvrant de parfums, comme Marie Madeleine, ou en participant
à sa sépulture, comme Nicodème, qui n'était qu'à moitié l'ami du Christ. Ni
enfin avec l'or, l'encens et la myrrhe, comme les mages l'ont fait avant tous
ceux que nous venons de citer.
Le Seigneur de l'univers veut la miséricorde et non le sacrifice, et notre
compassion plutôt que des milliers d'agneaux engraissés. Présentons-lui donc
notre miséricorde par les mains de ces malheureux aujourd'hui gisant sur le
sol, afin que, le jour où nous partirons d'ici, ils nous introduisent aux
demeures éternelles, dans le Christ lui-même, notre Seigneur, à qui appartient
la gloire pour les siècles. Amen.
(Saint Grégoire de
Nazianze, Sur les Béatitudes)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire