9 février
Tu parviendras avec la protection
de Dieu…
(Règle de Saint
Benoît 73,9)
RB 7,62-70 (L'humilité)
⁶²Voici le douzième degré d'humilité: le moine non seulement possède
cette vertu dans son cœur, mais encore la manifeste au dehors par son attitude. ⁶³À l'Œuvre de Dieu, à l'oratoire, dans le monastère, au jardin, en chemin,
aux champs, qu'il soit assis, en marche ou debout, il aura toujours la tête
inclinée, le regard fixé à terre ⁶⁴se sentant à toute heure chargé de ses
péchés, il se voit déjà traduit devant le tribunal redoutable de Dieu, ⁶⁵et
répète toujours dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les
yeux fixés à terre: « Seigneur, je ne suis pas digne, moi, pécheur, de
lever les yeux vers le ciel »; ⁶⁶et encore avec le Prophète: « Je me
tiens courbé et humilié de toute manière. » ⁶⁷Après avoir gravi tous ces
degrés d'humilité, le moine parviendra bientôt à cet amour de Dieu, qui, devenu
parfait, bannit la crainte. ⁶⁸Grâce à cet amour, il accomplira sans peine,
comme naturellement et par habitude, ce qu'auparavant il n'observait qu'avec
frayeur. ⁶⁹Il n'agira plus sous la menace de l'enfer, mais par amour du
Christ, par l'accoutumance même du bien et par l'attrait des vertus. ⁷⁰Voilà
ce que le Seigneur daignera manifester dans son serviteur, purifié de ses
défauts et de ses péchés, grâce à l'Esprit-Saint.
✽✽✽
... pour chaque jour
Heureux seront ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent sur ses
chemins. Toutes les fois que l'on parle de la crainte du Seigneur dans les
Écritures, il faut remarquer qu'elle n'est jamais présentée seule, comme si
elle suffisait à la perfection de notre foi ; on lui préfère ou on lui
substitue une quantité de choses qui font comprendre quelle est la nature et la
perfection de cette crainte du Seigneur.
Nous connaissons par là ce que dit
Salomon dans les Proverbes : Si tu demandes la sagesse, si tu appelles
l'intelligence, si tu la cherches comme l'argent et si tu creuses comme un
chercheur de trésor, alors tu comprendras la crainte du Seigneur. Nous voyons ainsi à travers quelles étapes on parvient à la crainte du
Seigneur. D'abord, il faut demander la sagesse, consacrer tous ses efforts à
comprendre la parole de Dieu, rechercher et approfondir dans la sagesse; et
c'est après que l'on comprendra la crainte du Seigneur. Or, dans l'opinion
commune des hommes, on ne comprend pas ainsi la crainte.
La crainte est l'effroi de la faiblesse humaine qui redoute de souffrir
des accidents dont elle ne veut pas. Elle naît et elle s'ébranle en nous du
fait de la culpabilité de notre conscience, du droit d'un plus puissant, de
l'assaut d'un ennemi mieux armé, d'une cause de maladie, de la rencontre d'une
bête sauvage, bref la crainte naît de tout ce qui peut nous apporter de la
souffrance. Une telle crainte ne s'enseigne donc pas : elle naît naturellement
de notre faiblesse. Nous n'apprenons pas quels sont les maux à craindre, mais
d’eux-mêmes ces maux nous inspirent de la crainte.
Au contraire, au sujet de la crainte du Seigneur, il est écrit ceci
: Venez, mes fils, écoutez-moi : la crainte du Seigneur, je vous
l'enseignerai. Il faut donc apprendre la crainte de Dieu, puisqu'elle est
enseignée. En effet, elle n'est pas dans la terreur, elle est dans la logique
de l'enseignement. Elle ne vient pas du tremblement de la nature, mais de
l'observance du précepte ; elle doit commencer par l'activité d'une vie
innocente et par la connaissance de la vérité.
Pour nous, la crainte de Dieu est tout entière dans l'amour, et la
charité parfaite mène à son achèvement la peur qui est en elle. La fonction
propre de notre amour envers lui est de se soumettre aux avertissements,
d'obéir aux décisions, de se fier aux promesses. Écoutons donc l'Écriture, qui
nous dit : Et maintenant, Israël, qu'est-ce que le Seigneur te demande ?
Sinon que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu marches sur tous ses chemins,
que tu l'aimes et que tu observes, de tout ton cœur et de toute ton âme, les
commandements qu’il t’a donnés pour ton bonheur.
Nombreux sont les chemins du Seigneur, bien qu'il soit lui-même le
chemin. Mais lorsqu'il parle de lui-même, il se nomme le chemin et il en montre
la raison lorsqu'il dit : Personne ne va vers le Père sans passer par moi.
Il faut donc interroger beaucoup de chemins et nous devons en fouler beaucoup
pour trouver le seul qui soit bon ; c'est-à- dire que nous trouverons l'unique
chemin de la vie éternelle en traversant la doctrine de chemins nombreux. Car
il y a des chemins dans la Loi, des chemins chez les prophètes, des chemins
dans les évangiles, des chemins chez les Apôtres ; il y a aussi des chemins
dans toutes les actions qui accomplissent les commandements, et c'est en les
prenant que ceux qui marchent dans la crainte de Dieu trouvent le bonheur.
(SAINT HILAIRE DE POITIERS, Commentaire sur le Psaume 127)
* Initiale - Ms Abbaye de Maredret
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