6 décembre
Se prévenir d’honneur les uns les
autres.
(Règle de Saint Benoît 63,17)
La
Règle de Saint Benoît…
RB
54,1-5 (Si un moine peut
recevoir des lettres ou quelque autre chose)
¹Il n'est pas licite à un moine, sans autorisation de l'abbé, de
recevoir, ni de ses parents ni de qui que ce soit, ni même entre eux, des
lettres, des cadeaux, ou de petits présents quelconques, et pas davantage d'en
donner. ²Si les parents lui envoient quelque chose, il n'aura pas la hardiesse
de le recevoir avant d'en avertir l'abbé. ³Celui-là, s'il permet d'accepter
l'objet, pourra le donner à qui lui plaira. ⁴Le frère à qui on l'avait envoyé,
ne s'en attristera pas, de peur de donner au diable une chance. ⁵Celui qui
enfreindra cette règle sera puni des peines régulières.
…
pour chaque jour
Le chapitre 54 de la Règle de saint Benoît est l’un de ceux que l’on a
facilement la tentation de laisser de côté dans un commentaire suivi de la
Règle. Il s’intitule « Le moine peut-il recevoir lettres ou
cadeaux ? » Grattons un peu la surface du texte pour voir quelles
sont les valeurs monastiques qui sont ici en cause pour saint Benoît.
(…)
Même si le contenu de ce chapitre ne se trouve pas dans la Règle du
Maître, il reste que ces prescriptions sont communes à toute la tradition
monastique antérieure à saint Benoît. Il s’agit d’une application particulière
de deux principes fondamentaux de la vie monastique : la solitude (appelée
traditionnellement « séparation du monde ») et la renonciation à
toute propriété privée.
Il n’est pas nécessaire d’être grand psychologue pour savoir que le fait
de donner n’est pas toujours altruiste. Il y a un plaisir à donner et ce
plaisir est sain en lui-même. Mais on peut en arriver subtilement et facilement
à donner simplement pour se faire plaisir à soi-même ou pour exercer un subtil
pouvoir sur les autres. D’autre part, dans le fait de recevoir, on se met dans
une situation de dépendance par rapport à la personne de qui on attend ou de
qui on reçoit le don. Ces interactions humaines ont des significations
différentes selon la vocation et la situation propre de chaque personne. (…) Le
don fait à un pauvre dans la rue n’a pas le même sens que celui fait à un
copain qui n’en a nullement besoin.
(…)
Il y a un échange de dons qui est tout à fait normal et beau dans la vie
sociale ordinaire et qui n’a plus la même place dans la vie de personnes qui
ont tout laissé pour s’efforcer de suivre le Christ.
Dans le contexte d’une vie monastique cénobitique, ce détachement de
tout, impliqué par le célibat, se vit dans le contexte d’une vie communautaire,
où toutes les propriétés matérielles sont mises en commun. Benoît insiste
constamment dans sa Règle sur les exigences de cette vie commune et parle
ailleurs du « vice très détestable » de la propriété privée. Le
renoncement à la propriété privée est une conséquence normale et directe du
choix du célibat comme état de vie.
Lorsque Benoît dit que si un moine reçoit un cadeau de ses parents il ne
pourra pas en disposer sans la permission de l’abbé et que ce dernier pourra
bien attribuer cet objet à quelqu’un d’autre de la communauté qui peut en avoir
davantage besoin, il ne faut pas y voir un pouvoir excessif donné à l’abbé. Il
faut y voir la conséquence normale de la profession monastique. J’ai renoncé à
toute propriété privée et tout ce dont j’ai besoin, soit pour ma vie
personnelle, soit pour l’exercice de mes responsabilités au sein de la
communauté, je le reçois de celle-ci. Et une personne, qu’on appelle l’abbé, a
la charge de voir à ce que chacun reçoive ce dont il a besoin et maintienne
aussi sa liberté du cœur.
Vers la fin de ce petit chapitre, Benoît dit que si un frère a reçu un
don et que l’abbé a désigné un autre destinataire que lui pour ce don, le frère
ne doit pas s’en attrister. Ce mot « attrister » revient à diverses
reprises dans la Règle. Le moine vient au monastère
pour être heureux. Chacun doit donc éviter soigneusement d’attrister les
autres ; mais chacun doit aussi éviter les comportements égoïstes ou
enfantins par lesquels il s’attristerait lui-même.
(DOM ARMAND VEILLEUX ocso [°1937 - …], Commentaire de la Règle de saint Benoît, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, 3 juin 2012)
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