21 janvier

On prendra soin des malades avant tout et par-dessus tout.
(Règle de Saint Benoît 36,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 4,63-78 (Les instruments des bonnes œuvres)

⁶³Accomplir, tous les jours, par ses œuvres les préceptes de Dieu.
⁶⁴Aimer la chasteté.
⁶⁵Ne haïr personne.
⁶⁶Ne pas avoir de jalousie.
⁶⁷Ne pas agir par envie.
⁶⁸Ne pas aimer à contester.
⁶⁹Fuir l'élèvement.
⁷⁰Vénérer les anciens.
⁷¹Aimer les plus jeunes.
⁷²Par amour du Christ, prier pour ses ennemis.
⁷³Se réconcilier avant le coucher du soleil, avec qui on est en discorde.
⁷⁴Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
⁷⁵Voilà quels sont les instruments de l'art spirituel.
⁷⁶Si, jour et nuit, sans relâche, nous nous en servons, quand, au jour du jugement, nous les remettrons, le Seigneur nous donnera la récompense qu'il a promise lui-même:
⁷⁷« Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
⁷⁸Or l'atelier où nous devons travailler diligemment avec tous ces instruments, c'est le cloître du monastère avec la stabilité dans la communauté.



… pour chaque jour

Que nul ne siège dans un procès pour juger quelqu’un qu’il aime ou quelqu’un qu’il déteste : de l’ami on ne voit pas les fautes et de l’ennemi on ne voit pas les mérites.

(Talmud, traité Ketoubot)

(PRÉCEPTES DE VIE ISSUS DE LA SAGESSE JUIVE, Rassemblés et présentés par PIERRE ITSHAK LURÇAT, Presses du Châtelet, 2001, p. 116)









 20 janvier

On donnera des aides à ceux qui sont faibles,
afin qu’ils s’acquittent de leur tâche sans tristesse.
(Règle de Saint Benoît 35,3)



La Règle de Saint Benoît…

RB 4,44-62 (Les instruments des bonnes œuvres)

⁴⁴Craindre le jour du jugement.
⁴⁵Redouter l'enfer.
⁴⁶Désirer la vie éternelle de toute l'ardeur de l'esprit.
⁴⁷Avoir chaque jour la menace de la mort devant les yeux.
⁴⁸Veiller à toute heure sur les actions de sa vie.
⁴⁹Tenir pour certain qu'en tout lieu Dieu nous regarde.
⁵⁰Briser contre le Christ les pensées mauvaises, sitôt qu'elles naissent dans le cœur, et les découvrir à un père spirituel.
⁵¹Garder sa langue de tout propos mauvais ou pernicieux.
⁵²Ne pas aimer à beaucoup parler.
⁵³Ne pas dire de paroles vaines ou qui portent à rire.
⁵⁴Ne point aimer le rire lourd ou bruyant.
⁵⁵Entendre volontiers les saintes lectures.
⁵⁶S'appliquer fréquemment à la prière.
⁵⁷Confesser chaque jour à Dieu dans la prière avec larmes et gémissements ses fautes passées,
⁵⁸et, de plus, se corriger de ses fautes.
⁵⁹Ne pas accomplir les désirs de la chair.
⁶⁰Haïr sa volonté propre.
⁶¹Obéir en tout aux ordres de l'abbé, même si, à Dieu ne plaise, il agit autrement; se souvenant du précepte du Seigneur: « Faites ce qu'ils disent, mais ce qu'ils font, ne le faites pas. »
⁶²Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais le devenir d'abord, alors on le sera appelé avec plus de vérité.



… pour chaque jour

Un frère demanda à abba Pœmen : « Pourquoi ne puis-je devenir libre avec les vieillards pour leur découvrir mes pensées ? ». Le vieillard lui répondit : « Abba Jean Colobos disait : En personne l’Ennemi ne trouve autant de joie qu’en ceux qui ne manifestent pas leurs pensées ». On disait d’un frère qu’il était aux prises avec le blasphème et qu’il rougissait de le dire. Entendait-il parler de grands vieillards, il allait les trouver pour s’en confesser ; mais, une fois arrivé, il avait honte d’avouer. Il venait donc souvent aussi chez abba Pœmen ; le vieillard voyait bien qu’il avait des pensées, et il s’affligeait de ce que le frère ne les découvrait pas. Aussi un jour, prenant les devants, il lui dit : « Voilà si longtemps que tu viens ici ayant des pensées à me découvrir et, quand tu es là, tu ne veux pas les dire, mais à tout coup tu repars affligé avec elles. Dis-moi donc, mon enfant, ce que tu as ». Le frère lui dit : « C’est à blasphémer Dieu que le démon me pousse, et j’avais honte de le dire ». Il lui raconta l’affaire et fut aussitôt soulagé. Le vieillard lui dit : « Ne te tracasse pas, mon enfant, mais chaque fois que cette pensée vient, dis-toi : ‘Moi, je n’ai rien à y voir. Que ton blasphème soit sur toi, Satan ; de cette chose-là, mon âme n’en veut pas’. Or toute chose dont l’âme ne veut pas est de courte durée ». Ayant été ainsi guéri, le frère s’en alla. 

(APOPHTEGMES – [IVème – Vème siècle], Pœmen 101 et 93, dans : SAGESSE DU DÉSERT – 365 textes des Pères du désert rassemblés par le Père Benoît Standaert osb, Éditions de Solesmes, 2005, p. 92-93)









 19 janvier

Les frères se serviront mutuellement.
Personne ne sera dispensé du service de la cuisine,
sinon pour cause de maladie
ou pour quelque occupation de grande utilité.
(Règle de Saint Benoît 35,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 4,22-43 (Les instruments des bonnes œuvres)

²²Ne point se mettre en colère.
²³Ne point se réserver un temps pour la vengeance.
²⁴Ne pas nourrir de fausseté dans son cœur.
²⁵Ne point donner une fausse paix.
²⁶Ne jamais perdre la charité.
²⁷Ne point jurer, de peur de se parjurer.
²⁸Dire la vérité de cœur comme de bouche.
²⁹Ne point rendre le mal pour le mal.
³⁰Ne pas faire d'injustice, mais supporter patiemment celles qu'on nous fait.
³¹Aimer ses ennemis.
³²Ne pas maudire ceux qui nous maudissent mais plutôt les bénir.
³³Souffrir persécution pour la justice.
³⁴N'être point orgueilleux.
³⁵Ni adonné au vin.
³⁶Ni grand mangeur.
³⁷Ni endormi.
³⁸Ni paresseux.
³⁹Ni murmurateur.
⁴⁰Ni détracteur.
⁴¹Mettre en Dieu son espérance.
⁴²Si l'on voit en soi quelque bien, l'attribuer à Dieu et non à soi-même.
⁴³Se reconnaître, au contraire, toujours auteur du mal qui est en soi et se l'imputer.



… pour chaque jour

Rien ne nous encourage tant à l'amour des ennemis, en lequel consiste la perfection de l'amour fraternel, que de considérer avec gratitude l'admirable patience du plus beau des enfants des hommes. Il a tendu son beau visage aux impies pour qu'ils le couvrent de crachats. Il les a laissés mettre un bandeau sur ces yeux qui d'un signe gouvernent l'univers. Il a exposé son dos au fouet. Il a soumis aux pointes des épines sa tête, devant laquelle doivent trembler princes et puissants. Il s'est livré lui-même aux affronts et aux injures. Et enfin il a supporté patiemment la croix, les clous, la lance, le fiel, le vinaigre, demeurant au milieu de tout cela plein de douceur et de sérénité. Il fut mené comme une brebis à l'abattoir, il s'est tu comme un agneau devant celui qui le tondait, et il n’ouvrit pas la bouche.
En entendant cette admirable parole, pleine de douceur, d'amour et d'imperturbable sérénité : Père pardonne-leur, que pourrait-on ajouter à la douceur et à la charité de cette prière ?
Et pourtant le Seigneur ajouta quelque chose. Il ne se contenta pas de prier, il voulut aussi excuser ; Père, dit-il, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. Ils sont sans doute de grands pécheurs, mais ils en ont à peine conscience ; c'est pourquoi, Père, pardonne-leur. Ils crucifient, mais ils ne savent pas qui ils crucifient, car s'ils l'avaient su, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. C'est pourquoi, Père, pardonne-leur. Ils pensent qu'il s'agit d'un transgresseur de la Loi, d'un usurpateur de la divinité, d'un séducteur du peuple. Je leur ai dissimulé mon visage. Ils n'ont pas reconnu ma majesté. C'est pourquoi, Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.
Pour apprendre à aimer, que l'homme ne se laisse donc pas entraîner par les impulsions de la chair. Et afin de n'être pas pris par cette convoitise, qu'il porte toute son affection à la douce patience de la chair du Seigneur. Pour trouver un repos plus parfait et plus heureux dans les délices de la charité fraternelle, qu'il étreigne aussi ses ennemis dans les bras du véritable amour.

(SAINT AELRED DE RIEVAULX [°1110 – 〸1167], Le miroir de la Charité)









 18 janvier

Avant tout que jamais n’apparaisse le vice du murmure,
pour quelque raison que ce soit,
ni en paroles, ni en un signe quelconque.
(Règle de Saint Benoît 34,6)



La Règle de Saint Benoît…

RB 4,1-21 (Les instruments des bonnes œuvres)

¹Avant tout, aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force.
²Ensuite, le prochain comme soi-même.
³Ensuite, ne point tuer.
Ne point commettre d'adultère.
Ne point voler.
Ne point convoiter.
Ne point porter faux témoignage.
Honorer tous les hommes.
Ne point faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse.
¹⁰Se renoncer à soi-même pour suivre le Christ.
¹¹Châtier son corps.
¹²Ne pas embrasser les délices.
¹³Aimer le jeûne.
¹⁴Soulager les pauvres.
¹⁵Vêtir qui est nu.
¹⁶Visiter les malades.
¹⁷Ensevelir les morts.
¹⁸Secourir qui est dans la tribulation.
¹⁹Consoler les affligés.
²⁰Rompre avec les affaires du monde.
²¹Ne rien préférer à l'amour du Christ.



… pour chaque jour

Le trésor de l'homme est situé là où est son cœur ; car le Seigneur n'a pas coutume de refuser quelque chose de bon à ceux qui lui demandent.
Puisque le Seigneur est bon, et surtout envers ceux qui espèrent en lui, attachons-nous à lui, soyons avec lui de toute notre âme, de tout notre cœur, de toutes nos forces pour être dans sa lumière, pour contempler sa gloire et pour posséder la grâce du bonheur céleste. Tendons nos esprits vers ce bien, soyons en lui, vivons en lui, attachons-nous à lui, à ce bien qui dépasse toute pensée et toute réflexion, qui jouit d'une paix et d'une tranquillité perpétuelles ; une paix qui surpasse toute pensée et tout sentiment.
Il est ce bien qui pénètre toute chose ; tous nous vivons en lui et nous dépendons de lui ; il n'y a rien au-dessus de lui, car il est divin. Personne, en effet, n'est bon, sinon Dieu seul. Ce qui est bon est divin, ce qui est divin est bon, c'est pourquoi il est dit : Lorsque tu ouvres la main, Seigneur, tous sont comblés de ta bonté. C'est en effet par la bonté de Dieu que nous sont accordés tous les biens qui ne comportent aucun mélange de mal.
Ce sont les biens que l'Écriture promet aux fidèles : Vous mangerez les biens du pays.
Nous sommes morts avec le Christ ; nous portons la mort du Christ dans notre corps, pour que la vie du Christ soit elle aussi manifestée en nous. Nous ne vivons donc plus de notre vie, mais de la vie du Christ, vie d'innocence, vie de pureté, vie de simplicité et de toutes les vertus. Nous sommes ressuscités avec le Christ : vivons en lui, élevons-nous en lui afin que, sur la terre, le serpent ne puisse plus nous atteindre au talon pour nous blesser.
Fuyons hors d'ici. Tu peux fuir en esprit, même si tu es retenu physiquement. Tu peux à la fois demeurer ici et être en présence du Seigneur, si ton âme s'attache à lui, si, par la pensée, tu marches derrière lui, si tu suis ses chemins par la foi, non par la vue, si tu te réfugies en lui ; car il est refuge et force, lui à qui David disait : Vers toi je me suis réfugié et je n’ai pas été déçu.
Puisque Dieu est un refuge, car Dieu est au ciel et au-dessus des cieux, c'est donc bien là qu'il faut fuir loin d'ici, là où est la paix, le repos de nos labeurs, là où nous ferons le festin du grand sabbat, comme dit Moïse : Les sabbats du pays seront votre nourriture. C'est un festin, en effet, c'est la plénitude de la réjouissance et de la tranquillité que de se reposer en Dieu et de contempler sa béatitude.
Courons comme les cerfs vers la source des eaux ; la soif ressentie par David, que notre âme la ressente aussi. Quelle est cette source ? Écoute David qui le dit : En toi est la source de la joie. Que mon âme dise à cette source : Quand pourrai-je venir et paraître devant ta face ? Car la source, c'est Dieu. 

(SAINT AMBROISE DE MILAN [°339 – 〸397], Sermon)









 17 janvier

Celui qui a besoin de moins,
rendra grâces à Dieu et ne s’attristera point ;
celui à qui il faut davantage,
s’humiliera et ne s’élèvera point
à cause de la miséricorde qu’on lui fait.
Ainsi tous les membres seront en paix.
(Règle de Saint Benoît 34,3-5)



La Règle de Saint Benoît…

RB 3,7-13 (L'appel des frères en conseil)

En toutes choses, donc, tous suivront cette maîtresse qu'est la Règle, et personne ne se permettra de s'en écarter à la légère. Que nul dans le monastère ne suive la volonté de son propre cœur ; que nul n'ait la hardiesse de contester avec son abbé insolemment, ou hors du monastère. ¹⁰Si quelqu'un avait cette hardiesse il serait soumis à la correction régulière. ¹¹L'abbé, toutefois, doit faire toutes choses dans la crainte de Dieu et selon la Règle, persuadé que, sans doute aucun, il aura à rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, ce juge souverainement équitable. ¹²Pour les affaires moins importantes qui intéressent le bien du monastère, l'abbé prendra seulement le conseil des anciens, selon ce qui est écrit : ¹³« Fais tout avec conseil, et, après coup, tu ne t'en repentiras pas. »



… pour chaque jour

Fais tout avec conseil. La communauté est un organisme vivant, donc soumis à toutes les exigences et incertitudes de la vie. Des problèmes se posent, de graves décisions sont à prendre. Même s’il revient à l’abbé de décider, toute la communauté et chacun de ses membres doivent avoir conscience de leur responsabilité. Le conseil des frères permet à l’abbé – et à la communauté – de discerner la volonté de Dieu dans l’instant présent. Voilà ce qui importe : quel est le bon plaisir de Dieu ? Qu’y a-t-il de meilleur pour sa gloire ? Cela exige de dépasser ses vues personnelles. La vie même de la communauté est en jeu. Il ne s’agit pas de réussir telle affaire, mais de faire ce qu’il y a de meilleur pour les âmes, fût-ce au prix de lourds sacrifices. En dehors de cette recherche constante de la pensée de Dieu la communauté monastique devient un non-sens. Le monastère, école de fidélité à l’Esprit-Saint. Lui laisser la liberté de manœuvrer dans la ligne de notre vocation. La vitalité surnaturelle de la communauté dépend de la fidélité de chacun à l’Esprit-Saint.

Écoute, 1964

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 115)










 16 janvier

Que tout soit commun à tous…
(Règle de Saint Benoît 33,6)



La Règle de Saint Benoît…

RB 3,1-6 (L'appel des frères en conseil)

¹Toutes les fois qu'il y aura dans le monastère quelque affaire importante à décider, l'abbé convoquera toute la communauté et exposera lui-même ce dont il s'agit. ²Après avoir recueilli l'avis des frères, il délibérera à part soi et fera ensuite ce qu'il aura jugé le plus utile. ³Ce qui nous fait dire qu'il faut consulter tous les frères, c'est que souvent Dieu révèle à un plus jeune ce qui est meilleur. Les frères donneront leur avis en toute humilité et soumission. Ils n'auront donc pas la hardiesse de soutenir effrontément leur manière de voir, mais il dépendra de l'abbé de décider ce qui vaut le mieux; et tous alors devront lui obéir. Cependant, comme il convient aux disciples d'obéir au maître, ainsi revient-il au maître de tout organiser avec prévoyance et équité.



… pour chaque jour

Les frères donneront leur avis. Pour qu’il y ait conseil, il faut qu’il y ait des moines. Pas seulement en quantité, mais aussi en vérité. Pour savoir comment faire marcher la maison de Dieu, il faut le conseil d’hommes de Dieu, qui ne soient pas seulement sensibles à la conjoncture, mais attentifs à l’Esprit-Saint, habituellement désireux de faire la volonté de Dieu, conscients que la Croix de Jésus se trouve partout où il est question du Royaume, en somme des serviteurs de Dieu et de leurs frères. Ces qualités spirituelles sont peut-être davantage requises aujourd’hui, en temps de rénovation conciliaire, et le souci de la charité et de l’unité de la communauté doit être aussi plus vif, plus intense, et conduire à des attitudes plus délicates, afin, comme le dit saint Benoît ailleurs, que nul ne soit troublé ni contristé dans la maison de Dieu.

Écoute, 1969

(Dom DENIS HUERRE osb [°1915 – 〸2016], Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? Commentaires de la Règle de saint Benoît, préface du P. Luc Cornuau osb, abbé de la Pierre-qui-Vire, Saint-Léger Éditions, 2023, p. 109)









 15 janvier

Une bonne parole vaut mieux qu’un don excellent.
(Règle de Saint Benoît 31,14)



La Règle de Saint Benoît…

RB 2,33-40 (Les qualités que doit avoir l'abbé)

³³Avant tout qu'il se garde de négliger ou de compter pour peu le salut des âmes qui lui sont confiées, sans donner plus de soin aux choses passagères, terrestres et caduques. ³⁴Qu'il pense sans cesse que ce sont des âmes qu'il a reçues à conduire et qu'il devra en rendre compte. ³⁵Et, de peur qu'il ne se préoccupe à l'excès de la modicité des ressources du monastère, il se rappellera qu'il est écrit: « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice: le reste vous sera donné par surcroît »; ³⁶et encore: « Rien ne manque à ceux qui le craignent. » ³⁷Qu'il sache donc bien que ce sont des âmes qu'il a reçues à conduire; qu'il soit prêt à en rendre compte. ³⁸Quel que soit le nombre des frères placés sous sa garde, qu'il sache avec certitude qu'au jour du jugement il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes, et de plus, sans nul doute, de la sienne propre. ³⁹Vivant ainsi dans la crainte constante de cet examen qui attend le pasteur au sujet de ses brebis, c'est le souci même des comptes dus pour autrui qui le rendra attentif sur lui-même, ⁴⁰et, en corrigeant les autres par ses avis, il se corrigera de ses propres défauts.



… pour chaque jour

Je ferai sortir mes brebis des pays étrangers, je les rassemblerai et je les ramènerai chez elles, je les mènerai paître sur les montagnes d'Israël. Il appelle « montagnes d'Israël » les auteurs des saintes Écritures. C'est là qu'il faut paître, si vous voulez le faire en sécurité. Tout ce que vous apprenez là, savourez-le ; tout ce qui est en dehors, rejetez-le. Ne vous égarez pas dans le brouillard, écoutez la voix du berger. Rassemblez-vous sur les montagnes de la sainte Écriture. Vous trouverez là les délices de votre cœur ; là il n'y a rien de vénéneux, rien de dangereux ; ce sont de riches pâturages. Venez, mais vous seulement qui êtes des brebis bien portantes, pour aller paître sur les montagnes d’Israël.
Dans les rivières, dans les endroits les meilleurs. De ces montagnes que nous venons de montrer, ont découlé les rivières de la prédication évangélique, puisque sa parole a retenti jusqu'au bout du monde et que tous les endroits de la terre offrent aux brebis des pâturages agréables et abondants.
Je les ferai paître dans un bon pâturage, et sur les hauteurs d'Israël. Et leurs étables seront là, c'est-à-dire là où elles vont se reposer, où elles pourront dire : « C'est vrai, c'est évident, nous ne sommes pas dans l'erreur. » Elles se reposent dans la gloire de Dieu, comme dans ces étables. Là elles dormiront, c'est-à-dire : elles se reposeront, elles se reposeront dans les délices.
Elles brouteront dans de gras pâturages, sur les monts d'Israël. J'ai déjà parlé de ces montagnes d'Israël, ces bonnes montagnes, vers lesquelles nous levons les yeux, pour que le secours nous vienne de là. Mais notre secours vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre. Aussi, pour que notre espérance ne s'attache pas à ces bonnes montagnes, après avoir dit : Je ferai paître mes brebis sur les monts d'Israël, pour que tu ne demeures pas sur les montagnes, il ajoute aussitôt : C'est moi qui ferai paître mes brebis. Lève les yeux vers les montagnes, d'où te viendra le secours, mais écoute celui qui dit : Moi, je ferai paître. Car ton secours vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre.
Il conclut ainsi : Je les ferai paître avec justice. Tu vois qu'il est le seul à faire paître ainsi, le seul qui fasse paître avec justice. Quel est l'homme qui peut juger l'homme ? On fait partout des jugements téméraires. Celui dont nous désespérions se convertit tout à coup, et devient excellent. Celui dont nous attendions beaucoup tombe brusquement et devient très mauvais. Ni notre crainte n’est assurée, ni notre amour n’est assuré.
Ce qu'est aujourd'hui n'importe quel homme, cet homme-là lui-même ne le sait guère. Cependant il le sait un peu aujourd'hui. Ce qu'il sera demain, lui-même ne le sait pas. Donc, le bon pasteur fait paître avec justice, il distribue à chacun ce qui lui revient : ceci aux uns, cela aux autres, à chacun ce qui lui est dû, que ce soit ceci ou cela. Car il sait ce qu'il fait. Il fait paître avec justice, lui qui a racheté ceux qu'il a jugés. C'est donc bien lui qui fait paître avec justice.

(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE [°354 – 〸430], Sermon sur les Pasteurs)









 14 janvier

Chacun doit être traité
selon son âge et son degré d’intelligence.
(Règle de Saint Benoît 30,1)



La Règle de Saint Benoît…

RB 2,30-32 (Les qualités que doit avoir l'abbé)

³⁰L'abbé doit toujours se rappeler ce qu'il est, se rappeler le titre qu'il porte; savoir qu'il est exigé davantage à qui a été confié davantage. ³¹Qu'il considère combien difficile et laborieuse est la charge qu'il a reçue de conduire les âmes et de s'accommoder aux caractères d'un grand nombre. Tel a besoin d'être conduit par les caresses, tel autre par les remontrances, tel encore par la persuasion. ³²L'abbé doit donc se conformer et s'adapter aux dispositions et à l'intelligence de chacun, en sorte qu'il puisse, non seulement préserver de tout dommage le troupeau qui lui est confié, mais encore se réjouir de l'accroissement de ce bon troupeau.



… pour chaque jour

Moi, je suis le bon Pasteur. Et je connais mes brebis (c'est-à-dire je les aime), et mes brebis me connaissent. C'est comme s'il disait clairement : Ceux qui m'aiment m'obéissent, car celui qui n'aime pas la vérité, maintenant même ne la connaît pas du tout.
Puisque vous avez entendu, frères très chers, le péril qui nous menace, nous les pasteurs, évaluez, grâce aux paroles du Seigneur, le péril qui est le vôtre. Voyez si vous êtes ses brebis, voyez si vous le connaissez, voyez si vous percevez la lumière de la vérité. Je parle de percevoir, non par la foi, mais par l'amour. Je parle de percevoir, non par la croyance, mais par l'action. Car saint Jean, qui parle dans notre évangile, atteste cela lorsqu'il dit ailleurs : Celui qui prétend connaître Dieu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur.
C'est pourquoi, dans notre passage, le Seigneur ajoute aussitôt : Comme le Père me connaît, moi je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis. C'est comme s'il disait clairement : Ce qui prouve que je connais le Père et que je suis connu de lui, c'est que je donne ma vie pour mes brebis : c'est-à-dire : je montre combien j'aime le Père par l'amour qui me fait mourir pour mes brebis.
Au sujet des brebis, il dit encore : Mes brebis entendent ma voix, et moi je les connais, elles me suivent, et je leur donne la vie éternelle. Et un peu plus haut il avait dit à leur sujet : Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé il pourra entrer et sortir, et il trouvera un pâturage. Il entrera pour avoir la foi ; il sortira en passant de la foi à la vision, de la croyance à la contemplation, et il trouvera un pâturage en arrivant au festin éternel.
Les brebis du bon Pasteur trouvent donc un pâturage parce que tout homme qui le suit avec un cœur simple est nourri dans la pâture des prairies intérieures. Et quel est le pâturage de ces brebis-là, sinon les joies éternelles d'un paradis toujours vert ? Car le pâturage des élus, c'est le visage de Dieu, toujours présent : puisqu'on le regarde sans interruption, l’âme se rassasie sans fin de l’aliment de vie.
Recherchons donc, frères très chers, ce pâturage où nous trouverons notre joie au cœur de la fête célébrée par tant de nos concitoyens. Que leur allégresse nous y invite. Réchauffons nos cœurs, mes frères, que notre foi se ranime envers ce qu'elle croit, que nos désirs s'enflamment pour les biens célestes : c’est déjà partir à leur rencontre que de les aimer.
Aucun obstacle ne doit nous enlever la joie de la solennité intérieure, car si l'on désire se rendre à un endroit qu'on s'est fixé, aucune difficulté ne peut changer ce désir. Aucune prospérité flatteuse ne doit nous en détourner ; il est fou, le voyageur qui, apercevant sur sa route de gracieuses prairies, oublie le but de son voyage.

(SAINT GRÉGOIRE LE GRAND [°v.540 – 〸604], Homélie)









 13 janvier

Qu’il imite plutôt l’exemple de tendresse du bon Pasteur…
(Règle de Saint Benoît 27,8)



La Règle de Saint Benoît…

RB 2,23-29 (Les qualités que doit avoir l'abbé)

²³Dans son enseignement, l'abbé doit toujours suivre le modèle que lui donne l'Apôtre quand il dit: « Reprends, supplie, menace. » ²⁴Ainsi doit-il varier sa manière selon les circonstances, mêlant douceurs et menaces, montrant tantôt la sévérité d'un maître, tantôt la tendresse d'un père. ²⁵Ainsi, encore, reprendra-t-il plus durement les indociles et les turbulents; il suppliera de progresser ceux qui sont obéissants, doux et patients; quant aux négligents et aux rebelles, nous l'avertissons de les menacer et de les corriger. ²⁶Qu'il ne ferme pas les yeux sur les péchés des délinquants. Mais qu'il les retranche autant qu'il le pourra, jusque dans les racines, aussitôt qu'il les verra naître, se souvenant du malheur d'Héli, grand-prêtre de Silo. ²⁷Pour ce qui est des âmes plus délicates et intelligentes, il lui suffira de les reprendre une fois ou deux par des admonitions ; ²⁸tandis qu'il doit punir par des verges et autres châtiments corporels les méchants, les opiniâtres, les superbes et les désobéissants, et cela dès qu'ils commenceront à mal faire, sachant qu'il est écrit :  « L'insensé ne se corrige point par des paroles » ; ²⁹et encore: « Frappe des verges ton fils et tu délivreras son âme de la mort. »



… pour chaque jour

Vous n'avez pas ramené la brebis égarée, cherché celle qui était perdue. C'est ainsi que nous pouvons nous trouver exposés à la violence des bandits et aux dents des loups furieux, et nous vous demandons de prier pour nous quand nous sommes exposés à ces dangers. Et les brebis sont rétives. Car lorsqu'on cherche celles qui sont égarées, elles disent qu'elles sont devenues étrangères en s'égarant et en se perdant : « Pourquoi nous appelez-vous ? Pourquoi nous cherchez-vous ? » Comme si la raison pour laquelle nous les appelons et les cherchons n'était pas justement qu'elles sont égarées et qu'elles se perdent. « Si je suis égarée, dit-elle, si je suis près de mourir, pourquoi m'appelles-tu ? Pourquoi me cherches-tu ? » C'est parce que tu es égarée que je veux te rappeler ; parce que tu vas à ta perte, que je veux te trouver. « C'est ainsi que je veux m'égarer, c'est ainsi que je veux périr. »
C'est ainsi que tu veux t'égarer, c'est ainsi que tu veux périr ? Raison de plus pour que je ne le veuille pas. Oui, j'ose le dire : je suis importun. J'entends l'Apôtre me dire : Annonce la parole, insiste à temps et à contre-temps. À temps envers qui ? À contre-temps envers qui ? À temps envers ceux qui veulent, à contre-temps envers ceux qui ne veulent pas. Oui, je suis importun, j'ose dire « Tu veux t'égarer, tu veux périr ; moi, je ne veux pas ». Et finalement, celui qui ne veut pas, c'est celui qui me fait peur. Si je voulais, voici ce qu'il me dirait, voici ce qu'il me reprocherait : Vous n'avez pas ramené la brebis égarée et vous n'avez pas cherché celle qui était perdue. Est-ce que je te craindrai davantage que lui ? Nous aurons tous à comparaître devant le tribunal du Christ.
Je rappellerai la brebis égarée, je chercherai la brebis perdue. Que tu le veuilles ou non, je le ferai.
Et si, dans ma recherche, les buissons des forêts me déchirent, je me ferai tout petit ; je secouerai toutes les haies ; autant que le Seigneur redoutable me donnera de forces, je parcourrai toute la campagne. Je rappellerai la brebis égarée, je chercherai la brebis perdue. Si tu ne veux pas que je souffre, ne t'égare pas, ne te perds pas. Peu importe que je m'attriste de ton égarement et de ta perte. Je crains, si je ne m'occupe pas de toi, de te tuer, même toi qui es fort. Regarde en effet la suite du texte : Et celle qui était forte, vous l'avez accablée. Si je ne m'occupe pas de celui qui est égaré et qui se perd, c'est que je me réjouirai de voir celui qui est fort s'égarer et périr. 

(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE [°354 – 〸430], Sermon sur les pasteurs)