20 janvier 

Désirer la vie éternelle de toute l’ardeur de l’esprit.
(Règle de Saint Benoît 4,46)



La Règle de Saint Benoît…

RB 4,44-62 (Les instruments des bonnes œuvres)

⁴⁴Craindre le jour du jugement.
⁴⁵Redouter l'enfer.
⁴⁶Désirer la vie éternelle de toute l'ardeur de l'esprit.
⁴⁷Avoir chaque jour la menace de la mort devant les yeux.
⁴⁸Veiller à toute heure sur les actions de sa vie.
⁴⁹Tenir pour certain qu'en tout lieu Dieu nous regarde.
⁵⁰Briser contre le Christ les pensées mauvaises, sitôt qu'elles naissent dans le cœur, et les découvrir à un père spirituel.
⁵¹Garder sa langue de tout propos mauvais ou pernicieux.
⁵²Ne pas aimer à beaucoup parler.
⁵³Ne pas dire de paroles vaines ou qui portent à rire.
⁵⁴Ne point aimer le rire lourd ou bruyant.
⁵⁵Entendre volontiers les saintes lectures.
⁵⁶S'appliquer fréquemment à la prière.
⁵⁷Confesser chaque jour à Dieu dans la prière avec larmes et gémissements ses fautes passées,
⁵⁸et, de plus, se corriger de ses fautes.
⁵⁹Ne pas accomplir les désirs de la chair.
⁶⁰Haïr sa volonté propre.
⁶¹Obéir en tout aux ordres de l'abbé, même si, à Dieu ne plaise, il agit autrement; se souvenant du précepte du Seigneur: « Faites ce qu'ils disent, mais ce qu'ils font, ne le faites pas. »
⁶²Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais le devenir d'abord, alors on le sera appelé avec plus de vérité.


Ms Abbaye de Maredret

… pour chaque jour

Après quelques semaines de silence, François d’Assise rajoute simplement une phrase, une phrase éblouissante, lumière de langue nouée au silence : « Loué sois-tu pour notre sœur la mort. »
Loué sois-tu pour notre sœur la mort – celui qui écrit cette phrase, celui qui a en lui le cœur de la prononcer, celui-là est désormais au plus loin de lui-même et au plus proche de tout. Plus rien ne le sépare de son amour puisque son amour est partout, même dans celle qui vient le briser.
Loué sois-tu pour notre sœur la mort – celui qui murmure cette phrase est venu à bout du long travail de vivre, de cette séparation partout mise entre la vie et notre vie. Trois épaisseurs de verre se tiennent entre la lumière et nous, trois épaisseurs de temps : du côté du passé, l’ombre des parents, portée loin en avant sur nos jours. Du côté du présent, l’ombre de nos actes et cette image de nous qu’ils sécrètent, fossile, incassable. François d’Assise a épuisé ces deux ombres, traversé ces deux vitres avec assez d’élan pour ne pas s’y blesser. Reste l’ultime épreuve, l’ultime opacité, du côté du proche avenir – la peur de mourir devant quoi même les saints peuvent se cabrer, cheval refusant l’obstacle au tout dernier instant. 
Loué sois-tu pour notre sœur la mort – en lançant son amour loin devant lui vers l’ombre qui vient le prendre, François d’Assise lève le dernier obstacle – comme un lutteur défait son adversaire en le prenant par les épaules pour lui donner une accolade. 
Loué sois-tu pour notre sœur la mort – voilà, c’est dit, c’est fait : il n’y a plus rien entre la vie et sa vie, il n’y a plus rien entre lui et lui, il n’y a plus ni passé ni présent ni avenir, plus rien que Dieu Très-Bas soudain Très-Haut, soudain partout répandu comme de l’eau.

Le reste. Vaut-il la peine d’écrire le reste qui prend apparemment fin le samedi 3 octobre 1226. 
Il ferme lentement les yeux comme sous le charme d’une pensée profonde, si profonde qu’il en retient son souffle. 
Un enfant. Un enfant qui interrompt ses jeux sans raison visible et reste là, soudainement pâle, immobile, muet – ne sachant plus que sourire. 

(CHRISTIAN BOBIN, Le Très-Bas, Coll. L’un et l’autre, dirigée par J.-B. Pontalis, Éditions Gallimard, 1992, p. 123-125)










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