31 décembre
La
Règle de Saint Benoît…
RB 73,1-9 (Toute la pratique de la justice n'est pas contenue dans cette règle)
¹Cette Règle, que nous venons d'écrire, il suffira de l'observer dans
les monastères pour faire preuve d'une certaine rectitude morale et d'un
commencement de vie monastique. ²Quant à celui qui aspire à la vie parfaite,
il a les enseignements des saints Pères, dont la pratique amène l'homme
jusqu'aux sommets de la perfection. ³Est-il, en effet, une page, est-il une
parole d'autorité divine, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit
une règle toute droite pour la conduite de notre vie ? ⁴Ou encore, quel est le
livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour
parvenir à notre Créateur ? ⁵Et de même, les Conférences des Pères, leurs
Institutions et leurs Vies ainsi que la Règle de notre Père saint Basile, ⁶sont-elles autre chose que des instruments de vertus pour moines vraiment bons
et obéissants ? ⁷Il y a là pour nous, relâchés, inobservants et négligents, de
quoi rougir de confusion. ⁸Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie
céleste, accomplis, avec l'aide du Christ, cette toute petite Règle, écrite
pour les débutants. ⁹Cela fait, tu parviendras avec la protection de Dieu, aux
plus hautes cimes de la doctrine et des vertus, que nous venons de rappeler.
Amen.
…
pour chaque jour
L'Église connaît deux genres de vie qui lui ont été révélés et
recommandés par Dieu. L'une de ces vies est dans la foi, l'autre dans la vision
; l'une pour le temps du voyage, l'autre pour la demeure d'éternité ; l'une
dans le labeur, l'autre dans le repos ; l'une
sur la route, l'autre dans la patrie ;
l'une dans le travail de l’action, l’autre dans la récompense de la
contemplation.
La première est symbolisée par l'Apôtre Pierre, la seconde par Jean. La
première est en action jusqu'à la fin du monde, avec laquelle elle trouvera sa
propre fin ; la seconde doit attendre son accomplissement après la fin de ce
monde, mais dans le monde futur elle n'a pas de fin. C'est pourquoi il est dit
à Pierre : Suis-moi, et au sujet de saint Jean : Si je veux
qu'il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? Mais toi,
suis-moi.
Suis-moi en supportant les maux temporels, à mon imitation ; lui, qu'il
reste jusqu'à ce que je vienne lui donner les biens éternels. Ce qui
peut se dire plus clairement ainsi : Que l'action parfaite vienne à ma suite,
modelée à l'exemple de ma passion ; que la contemplation, qui ne fait que
commencer, reste jusqu'à ce que je vienne, pour obtenir son accomplissement
lorsque je viendrai.
Suivre le Christ en allant jusqu'à la mort, c'est la plénitude de la
patience ; rester jusqu'à ce que le Christ vienne, c'est la plénitude de
science qui doit le faire connaître. Ici, on supporte les maux de ce monde sur
la terre des mourants ; là on verra les biens du Seigneur sur la terre des
vivants.
Lorsque le Seigneur dit : Je veux qu'il reste jusqu'à ce que je
vienne, il ne faut pas l'entendre comme s'il avait dit « rester », au sens
de rester en arrière ou de s'installer, mais au sens d'attendre. Car ce que
saint Jean symbolise ne doit pas s'accomplir maintenant, mais quand le Christ
reviendra. Au contraire ce que symbolise saint Pierre, à qui il est dit : Toi,
suis-moi, ne parviendra à l’objet de son attente que s’il agit de
maintenant.
Mais que personne ne sépare ces glorieux Apôtres. Tous deux se
rejoignaient dans ce que Pierre symbolisait ; et en ce que Jean symbolisait,
tous deux se rejoindraient plus tard. C'est symboliquement que l'un suivait et
que l'autre restait. Par la foi, tous deux supportaient les maux présents de
cette vie malheureuse, et tous deux attendaient les biens futurs de la
béatitude.
Ce n'est pas eux seulement, c'est toute la sainte Église, l'épouse du
Christ, qui agit ainsi : elle doit être délivrée de ces épreuves d'ici-bas,
elle doit demeurer dans la félicité d'en haut. Pierre et Jean ont figuré ces
deux vies, chacun pour l'une des deux. Mais en réalité, tous deux ont suivi la
première, passagèrement, par la foi ; et tous deux jouiront de la seconde, éternellement,
par la vision.
Puisque tous les saints appartiennent inséparablement au corps du
Christ, afin de gouverner le vaisseau de la vie présente au milieu de tant
d'orages, les clés du Royaume des cieux pour lier et délier les péchés ont été
confiées à Pierre, le premier des Apôtres : et c'est encore à l'intention de
tous les saints, pour qu'ils connaissent l'abri très paisible de la Vie la plus
intime, que Jean l’Évangéliste a reposé sur la poitrine du Christ.
Ce n'est donc pas Pierre seul mais toute l'Église qui lie et délie les
péchés ; et ce n'est pas Jean seul qui boit à la source qu'est la poitrine du
Seigneur. Il a révélé par ses paroles que le Verbe, au commencement, était
auprès de Dieu et était Dieu, et bien d'autres vérités sublimes sur la divinité
du Christ, la Trinité et l'unité de toute la divinité. Ces vérités, qu'il doit
contempler face à face dans le Royaume céleste, maintenant il doit les
percevoir dans l'image confuse donnée par un miroir. Aussi est-ce
le Seigneur lui-même qui répand sur toute la surface de la terre son Évangile
pour que, chacun à la mesure de ses capacités, tous les croyants puissent y boire.
(SAINT AUGUSTIN D’HIPPONE [°354 – 〸430], Commentaire
sur l’Évangile de Jean)