3 janvier
Ne
pas vouloir être appelé saint avant de l’être,
mais
le devenir d’abord,
alors
on le sera appelé avec plus de vérité.
(Règle
de Saint Benoît 4,62)
La
Règle de Saint Benoît…
RB
Prologue 14-20
¹⁴Le Seigneur, cherchant son ouvrier dans la foule du peuple à laquelle
il crie, dit encore: ¹⁵« Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir
des jours heureux ? ». ¹⁶Que si, à cette demande, tu lui réponds:
« C'est moi », Dieu te réplique: ¹⁷« Si tu veux avoir la vie
véritable et éternelle, interdis le mal à ta langue et à tes lèvres toute
parole trompeuse; détourne-toi du mal et fais le bien; cherche la paix avec
ardeur et persévérance. ¹⁸Et lorsque vous agirez de la sorte, mes yeux seront
sur vous et mes oreilles attentives à vos prières, et avant même que vous ne
m'invoquiez, je vous dirai: ‘Me voici.' » ¹⁹Quoi de plus doux, frères
très chers, que cette voix du Seigneur qui nous invite? ²⁰Voyez comme le
Seigneur lui-même, dans sa bonté, nous montre le chemin de la vie.
…
pour chaque jour
[…] aussitôt qu’il
entendra et comprendra la question biblique comme lui étant personnellement
adressée, (il) prendra nécessairement conscience de ce que cela
signifie, lorsque Dieu demande : « Où es-tu ? » (Gn 3,9),
que la question soit adressée à Adam ou à quiconque. Quand Dieu questionne
ainsi, ce n’est pas pour que l’homme lui apprenne une chose qu’il ne saurait
pas encore ; il veut provoquer en l’homme quelque chose qui précisément
n'est provoqué que par une telle question, à condition qu’elle touche l’homme
au cœur, que l’homme se laisse toucher au cœur par elle.
Adam se cache pour n’avoir pas à se justifier, pour échapper à la responsabilité de sa vie. Ainsi se cache chaque homme, car chaque homme est Adam et dans la situation d’Adam. Afin d’échapper à la responsabilité de la vie vécue, l’existence est transformée en machine à cacher. Et c’est en se cachant ainsi et toujours de nouveau « de la Face de Dieu » qu’il s’enlise de plus en plus profondément dans la fausseté. De cette manière surgit une nouvelle situation qui, de jour en jour, de cachette en cachette, devient de plus en plus douteuse. Cette situation se laisse caractériser avec précision : l’homme ne peut échapper à l’œil de Dieu, mais, en cherchant à se cacher de lui, il se cache de lui-même. Certes, il y a bien en lui aussi un quelque chose qui le cherche, mais il empêche de plus en plus ce quelque chose de le trouver. C’est au milieu de cette situation que tombe la question de Dieu. Elle veut remuer l’homme, elle veut briser sa machine à cacher, elle veut lui montrer où il s’est fourvoyé, elle veut faire naître en lui le grand désir d’en sortir. Tout dépend à présent de savoir si l’homme acceptera de ne pas se dérober à la question. Certes, « le cœur battra » à quiconque quand elle frappera son oreille. Mais la machine lui permet également de se rendre maître de cette émotion du cœur. La voix, en effet, ne s’accompagne pas d’un orage qui met en péril la vie de l’homme ; c’est « la voix d’un silence semblable à un souffle » (die Stimme eines verschwebenden Schweigens) (cf. I Rois 19,12), et il est aisé de l’assourdir. Aussi longtemps que cela se produit, la vie de l’homme ne peut devenir chemin. Quelle que soit la grandeur du succès, de la jouissance d’un homme, quelle que soit l’importance de son pouvoir, quelque colossale que soit son œuvre : sa vie demeure sans chemin aussi longtemps qu’il n’affronte pas la voix. Adam affronte la voix, il reconnaît l’enlisement, il avoue : « Je me suis caché », et c’est là que commence le chemin de l’homme. Le retour décisif sur soi-même est le commencement du chemin dans la vie de l’homme, toujours de nouveau le commencement du chemin humain. Mais il n’est décisif, justement, que s’il mène au chemin. Car il existe aussi un retour sur soi-même infécond, qui ne mène à rien d’autre qu’au tourment, au désespoir et à l’enlisement encore plus profond.
Adam se cache pour n’avoir pas à se justifier, pour échapper à la responsabilité de sa vie. Ainsi se cache chaque homme, car chaque homme est Adam et dans la situation d’Adam. Afin d’échapper à la responsabilité de la vie vécue, l’existence est transformée en machine à cacher. Et c’est en se cachant ainsi et toujours de nouveau « de la Face de Dieu » qu’il s’enlise de plus en plus profondément dans la fausseté. De cette manière surgit une nouvelle situation qui, de jour en jour, de cachette en cachette, devient de plus en plus douteuse. Cette situation se laisse caractériser avec précision : l’homme ne peut échapper à l’œil de Dieu, mais, en cherchant à se cacher de lui, il se cache de lui-même. Certes, il y a bien en lui aussi un quelque chose qui le cherche, mais il empêche de plus en plus ce quelque chose de le trouver. C’est au milieu de cette situation que tombe la question de Dieu. Elle veut remuer l’homme, elle veut briser sa machine à cacher, elle veut lui montrer où il s’est fourvoyé, elle veut faire naître en lui le grand désir d’en sortir. Tout dépend à présent de savoir si l’homme acceptera de ne pas se dérober à la question. Certes, « le cœur battra » à quiconque quand elle frappera son oreille. Mais la machine lui permet également de se rendre maître de cette émotion du cœur. La voix, en effet, ne s’accompagne pas d’un orage qui met en péril la vie de l’homme ; c’est « la voix d’un silence semblable à un souffle » (die Stimme eines verschwebenden Schweigens) (cf. I Rois 19,12), et il est aisé de l’assourdir. Aussi longtemps que cela se produit, la vie de l’homme ne peut devenir chemin. Quelle que soit la grandeur du succès, de la jouissance d’un homme, quelle que soit l’importance de son pouvoir, quelque colossale que soit son œuvre : sa vie demeure sans chemin aussi longtemps qu’il n’affronte pas la voix. Adam affronte la voix, il reconnaît l’enlisement, il avoue : « Je me suis caché », et c’est là que commence le chemin de l’homme. Le retour décisif sur soi-même est le commencement du chemin dans la vie de l’homme, toujours de nouveau le commencement du chemin humain. Mais il n’est décisif, justement, que s’il mène au chemin. Car il existe aussi un retour sur soi-même infécond, qui ne mène à rien d’autre qu’au tourment, au désespoir et à l’enlisement encore plus profond.
(MARTIN BUBER [°1878 – 〸1965], LE CHEMIN DE
L’HOMME d’après la doctrine hassidique, Éditions du Rocher, 1999, p. 12-14)
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